Introduction
Le livre Think Twice de Michael J. Mauboussin passe en revue la littérature moderne sur les biais cognitifs et comment les contrer pour prendre de bonnes décisions.
Mise en contexte
Des gens intelligents peuvent prendre des décisions, on ne peut plus stupides.
Les tests de QI ne mesurent pas la flexibilité intellectuelle, l’introspection, ni la capacité à tirer des conclusions selon un faisceau d’indices, qui sont pourtant importantes pour prendre des décisions rationnelles.
Il est possible de réduire les erreurs que nous faisons de deux manières. D’abord, en s’efforçant de clarifier le problème posé. Ensuite, en tirant parti des erreurs des autres.
Les étapes pour progresser sont :
- Apprendre sur les erreurs en général
- Reconnaître suivant le contexte quel type d’erreur vous risquez de faire
- Limiter la fréquence et la sévérité de vos erreurs en étant sur vos gardes
La plupart des gens passent moins de 25% du temps à essayer de penser clairement au sujet d’un problème. Pour donner le change vis-à-vis d’un supérieur, beaucoup de temps est en fait passé à collecter des données.
Prendre du recul
Différentes études démontrent que la plupart des gens se considèrent supérieurs à la moyenne. Par exemple, 80% des gens se croient meilleurs conducteurs que la moyenne! Pire, les moins compétents sont ceux qui se montrent les plus confiants dans leurs capacités!
L’erreur dont il est question consiste à être trop optimiste et à croire que l’on contrôle les événements. Tout simplement, les gens pensent être meilleurs ou différents des autres. Il est bien plus raisonnable de prendre un point de vue extérieur. Par exemple, quel est le taux de réussite d’un traitement médical ?
Si vous voulez savoir comment les choses vont se passer pour vous, demandez-vous comment elles vont se passer pour quelqu’un dans votre situation.
Ouvert à toutes les options
Nous raisonnons à partir de certaines prémisses sur la façon dont le monde fonctionne. Mais nous n’arrivons pas à considérer les options qui se présenteraient si ces prémisses étaient fausses.
D’autre part, la façon dont un problème est posé conditionne les choix possibles. Enfin, nos modèles mentaux de la réalité pourraient être inadéquats dans certains contextes.
D’autres biais affectent notre évaluation d’une situation. Par exemple, nous nous basons sur l’apparence pour nous faire une opinion sur quelqu’un. Nous avons davantage peur de voler après un crash d’avion. Nous avons tendance à essayer de prédire en identifiant des tendances qui sont plus fictives que réelles.
La plupart des gens sont peu sensibles à l’information qui provient de l’extérieur, car ils sélectionnent ce qui est compatible avec leurs croyances et rejettent le reste. Ce biais, appelé biais de confirmation, limite notre exposition à des idées différentes.
Le stress aussi réduit la qualité de nos décisions, car il nous conduit à donner la priorité au court terme et néglige le long terme.
Pour éviter d’avoir des œillères :
- Considérer explicitement des alternatives, plus il y en a le mieux c’est.
- Rechercher des opinions contradictoires. Commencez par vous faire l’avocat du diable.
- Conserver une trace de vos décisions. Relisez-vous pour les alternatives considérées après coup.
- Évitez de prendre des décisions sous le coup de l’émotion.
- Tenez compte de l’influence des incitations sur vos décisions.
Les experts sont dépassés
Best Buy a obtenu de meilleures prévisions de ses ventes en interrogeant des centaines de ses employés qu’en écoutant ses propres experts.
Selon le domaine considéré, de nouveaux outils ou de nouvelles méthodes sont parfois plus fiables que l’avis des experts. Citons par exemple des domaines où les experts ne s’entendent pas entre eux tels que dans les prévisions économiques ou géopolitiques. Un autre exemple est donné par les situations où il existe des règles simples, des formules ou des algorithmes pour décider : score de crédit, diagnostic médical simple.
Dans l’exemple de Best Buy, la sagesse des foules donne d’excellents résultats, car les avis exprimés sont honnêtes et indépendants les uns des autres. Mais ce n’est pas toujours le cas.
Pour utiliser au mieux les experts, ayez en tête les points suivants :
- Adapter les outils au problème. Les experts sont pertinents seulement dans certaines situations.
- Les généralistes font de meilleurs prévisionnistes que les spécialistes.
- Utiliser la technologie lorsque c’est possible.
Appréciation de la situation
Des expériences de psychologie démontrent que les perceptions du groupe affectent grandement nos perceptions.
Le conformisme touche tout le monde, mais il existe aussi des différences culturelles. Les Occidentaux vont juger les actions de l’individu en fonction de l’individu tandis que les Orientaux auront plutôt tendance à juger selon les circonstances et la situation de l’individu.
Notre subconscient influence grandement nos décisions. Des chercheurs ont ainsi mesuré les ventes de vins français et allemands mis sur le même stand en jouant alternativement de la musique allemande ou de l’accordéon. Lorsque la musique française jouait, les vins français représentaient 77% des ventes. Lorsque la musique allemande jouait, les vins allemands représentaient 73% des ventes !
Le consentement au don d’organe varie grandement d’un pays à l’autre. En fait, cela est dû à la façon de présenter le choix : « opt in » ou « opt out ». Les pays à fort consentement comme la Suède ou l’Autriche sont ceux où le choix par défaut est le don.
Une interprétation de l’expérience de Milgram, dans laquelle les participants font subir des chocs électriques supposément de plus en plus intenses à un acteur, est que c’est l’occasion qui fait le larron. Autrement dit, les comportements s’adaptent à la situation.
Voici quelques pistes pour faire attention à votre environnement :
- Prendre conscience de votre situation : votre état psychologique, les influences extérieures
- La situation compte plus que l’individu.
- Les gens font ce qu’ils font parce que les autres le font. Parfois même il y a une incitation.
- Évitez l’inertie. « Si nous ne le faisions pas déjà, le ferions-nous sachant ce que nous savons ? »
Plus, c’est différent
Les fourmis d’une colonie ont un comportement très simple, mais la colonie prise dans son ensemble semble douée d’intelligence.
Les propriétés de tels systèmes sont impossibles à déterminer sur la base de ses composantes. Autrement dit, ils résistent à l’analyse. Le marché est un tel système. Écouter des investisseurs ne vous mènera nulle part, tandis que l’agrégation des opinions de tous ces acteurs c’est-à-dire le marché est en général très efficient.
Une étude de la Harvard Business School a montré que la performance des stars de l’analyse financière décevait après leur arrivée dans une nouvelle compagnie. En effet, nous accordons beaucoup trop d’importance au mérite personnel et négligeons l’apport de l’environnement, ses ressources et tout simplement une meilleure connaissance des processus dans l’ancienne organisation.
Que faire?
- Observer un système à l’échelle appropriée.
- Prêter attention aux systèmes fortement couplés. Ceux-ci peuvent générer une catastrophe.
- Utiliser des simulations de mondes virtuels.
Ne pas présumer
L’ordre de naissance affecte le comportement des enfants. Les aînés sont plus ambitieux, plus sérieux, plus conventionnels. Les plus jeunes, quant à eux, sont plus rebelles, plus ouverts et plus aventuriers.
Même si cet effet existe bel et bien, les études montrent que cela ne s’applique qu’au contexte familial. A l’extérieur, l’effet de l’ordre de naissance est insignifiant. Ce phénomène est plus général, ce qui est vrai dans un contexte donné peut être faux dans un autre contexte.
Essayer de réussir en se basant sur des observations de ceux qui réussissent est risqué. Ce serait un peu comme de vouloir apprendre à voler en imitant les oiseaux. Il est plus avisé de déterminer les relations de cause à effet en testant différentes théories.
Une erreur très commune consiste à confondre corrélation et causalité. Pour que X cause Y, il faut 3 conditions, (1) que X se produise avant Y, (2) que X et Y prennent chacune au moins deux valeurs, (3) qu’il n’y ait pas une cause Z qui entraîne à la fois X et Y. Pour illustrer ce dernier point, on peut montrer que la télévision n’entraîne pas l’obésité, mais plutôt que des conditions économiques défavorables augmentent les probabilités de devenir obèse et de regarder trop la télévision.
Demandez-vous :
- Est-ce que votre théorie correspond vraiment aux faits observés ?
- Ne pas confondre corrélation et causalité.
- Reconnaissez les conditions d’application de vos règles.
- Lorsqu’il y a de nombreuses dimensions qui interagissent, on ne peut pas déterminer qui est le meilleur ou quelle est la meilleure stratégie. A peut gagner contre B, B contre C et C contre A.
Transitions de phase
Il y a deux types de rétroaction dans les phénomènes physiques ou sociaux : positive ou négative. Les rétroactions négatives diminuent le phénomène tandis que les rétroactions positives l’amplifient.
Le phénomène précédent se combine parfois avec une transition de phase où un petit changement a des répercussions disproportionnées. C’est ce qui se passe pour l’eau qui devient soudainement solide à zéro degré. Cela démontre qu’il est déraisonnable d’extrapoler le comportement d’un système sur la base de quelques observations.
L’exemple typique est celui de la dinde qui est nourrie 1000 jours d’affilé et dont la confiance dans le fermier croît de jour en jour, jusqu’au moment fatidique où elle est tuée.
Le monde qui nous entoure est soumis au hasard le plus sauvage. Cependant, les économistes ne considèrent une version du hasard plus bénigne afin de pouvoir résoudre leurs équations. En conséquence, ils sous-estiment les risques d’événements catastrophiques. Ils supposent aussi un monde qui est essentiellement statique. Or, « lorsque l’économie va mal, la seule chose qui augmente ce sont les corrélations ».
Parmi ce qui explique les rétroactions positives dans les phénomènes sociaux, on trouve le mimétisme social. Ainsi, une expérience a mesuré la popularité des chansons auprès de différents groupes. Un groupe était isolé tandis que les autres pouvaient voir les chansons choisies par les autres. L’expérience a clairement établi que le classement des chansons les plus populaires était très fortement influencé par ce que faisaient les autres.
Pour appréhender les systèmes avec des transitions de phase :
- Demandez-vous si vous êtes-vous au Médiocristan (ex. : taille) ou en Extremistan (ex. : revenus).
- Identifier les transitions de phase. Celles-ci ont lieu lorsque les actions deviennent coordonnées.
- Méfiez-vous des projections.
- Profitez des bonnes surprises et assurez-vous contre les mauvaises.
Distinguer le talent de la chance
Dans la plupart des activités humaines, le succès est une combinaison de talent et de chance. Un concept important en statistique est celui du retour à la moyenne. Dans les activités où la chance joue un rôle prépondérant, comme en investissement, la classe d’actifs la moins performante de l’année passée a toutes les chances d’avoir une meilleure performance cette année.
Le retour à la moyenne dit simplement que des résultats exceptionnels (bon ou mauvais) impliquent une grande dose de chance et que par la suite, la part de chance ou de malchance sera sans doute moindre et les résultats moins extrêmes.
Comment prêter une attention suffisante au retour à la moyenne ?
- Essayez d’identifier la part de chance et de talent de l’activité. La chance joue un rôle prépondérant si vous n’êtes pas capable de perdre exprès.
- Faites attention à la taille de l’échantillon. Ne tirez pas de conclusion à partir de quelques cas.
- Surveiller la stabilité du système. Par exemple, la performance décroît avec l’âge.
- Ne tombez pas dans le piège de l’effet halo, qui consiste à prêter toutes les qualités aux gens qui réussissent. Bien souvent, le succès est une question d’un peu de talent et beaucoup de chance.