Bulle ou pas bulle ? Telle est la question

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Résumé

Après avoir estimé les rendements historiques des actions, nous devrions nous demander s’il est raisonnable d’attendre de tels rendements dans le futur étant donné les valorisations excessives actuelles.

Dans la mesure où certains parlent même d’une bulle boursière près d’éclater, nous avons voulu en avoir le cœur net.

Pour ce faire, nous nous sommes inspirés d’une étude de Bridgewater sur le sujet. Nos conclusions sont les mêmes : les actions sont très chères, mais nous ne pouvons pas parler d’une bulle à l’exception peut-être du secteur technologique.

L’approche se base sur l’évaluation de six métriques.

1. Valorisations élevées🔥🔥🔥🔥🔥
2. Prix impliquant des hypothèses irréalistes🔥
3. Nouveaux participants sur le marché🔥🔥🔥🔥🔥
4. Sentiment haussier🔥🔥🔥🔥
5. Utilisation du levier🔥🔥🔥🔥
6. Dépenses en capital des entreprises🔥🔥

Pour une lecture accélérée, vous pouvez vous contenter de lire les phrases en caractères gras.

1.      A quel point les prix sont-ils élevés selon des mesures traditionnelles?

Le ratio cours sur bénéfices du Professeur Shiller est une version plus robuste du traditionnel ratio cours (prix de l’action) sur bénéfices (12 derniers mois glissants). Le ratio calculé par le Professeur Shiller est appelé CAPE ratio pour « Cyclically Ajdusted Price-Earnings ratio », il utilise la moyenne des bénéfices sur les dix dernières années afin d’obtenir une image réaliste des profits sur un cycle économique complet.

Source : Robert Shiller, U.S. Stock Markets 1871-2021Q3 and CAPE Ratio, http://www.econ.yale.edu/~shiller/data.htm

Actuellement, le ratio CAPE n’a toujours pas égalé le record de la bulle internet en 2000. Mais il est tout de même plus élevé que 99% des autres observations depuis 1880.

Historiquement, un ratio CAPE élevé est corrélé négativement avec les rendements futurs. Autrement dit, les rendements futurs sur le marché boursier américain seront vraisemblablement médiocres pour les prochaines années.

L’indicateur de Buffet qui représente le ratio entre la capitalisation boursière et le PIB permet également d’estimer la cherté du marché.

L’idée derrière cet indicateur est que la valorisation boursière devrait être commensurable avec la richesse créée chaque année. Cela fait du sens dans la mesure où la valorisation boursière des entreprises est en général un multiple des profits annuels (par exemple dix fois), et où les profits représentent une part relativement stable dans le PIB à environ 35% (voir article précédent).

Nous allons le calculer de deux manières, d’abord en utilisant l’indice Wilshire 5000 Full Cap Price Index et ensuite à partir des comptes nationaux sur l’ensemble du secteur privé.

L’indice Wilshire 5000 est souvent utilisé comme une approximation du marché boursier américain du fait du grand nombre d’entreprises inclues. En fait, l’indice ne contient pas exactement 5000 titres, mais peu importe.

Il existe plusieurs versions de l’indice et celle qui est pertinente ici est le Wilshire 5000 Full Cap Price Index. « Price Index » car nous voulons seulement avoir le total des valeurs marchandes des entreprises de l’indice sans tenir compte des dividendes réinvestis. De plus, pour cet indice des prix, 1 point équivaut à 1 milliard de dollars de capitalisation boursière. « Full Cap » car nous voulons obtenir toute la capitalisation de chaque entreprise de l’indice, et pas seulement la partie qui peut se transiger à la bourse.

Sources des données : FRED, Federal Reserve Bank of St. Louis
Produit Intérieur Brut: U.S. Bureau of Economic Analysis, Gross Domestic Product [GDP]
Wilshire 5000 : Wilshire Associates, Wilshire 5000 Full Cap Price Index [WILL5000PRFC]
Capitalisation du secteur privé : All Domestic Sectors; Corporate Equities; Liability, Market Value Levels [BOGZ1LM883164105Q]

Selon Warren Buffett, il est intéressant d’acheter des actions lorsque l’indicateur est autour de 70%-80%. Nous voyons que nous sommes très loin du compte. En fait, l’indicateur de Buffett n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui.

Nous avons aussi calculé l’indicateur de Buffett à partir des données de la FED sur la valeur marchande de toutes les entreprises domestiques dans le secteur privé. Les conclusions sont renforcées : jamais les actions n’ont été aussi chères depuis 70 ans.

2.      Est-ce que les prix sont fondés sur des hypothèses irréalistes ?

Les investisseurs individuels ont des attentes exagérées pour ce qui concerne le rendement des actions. Les rendements à deux chiffres des trois dernières années y sont sans doute pour quelque chose.

Un sondage de Natixis auprès de ses clients illustre le gouffre qui sépare les investisseurs individuels des professionnels. Notez aussi qu’il s’agit de rendements nets de l’inflation.

PaysRendement réel attendu par les investisseurs particuliersRendement réel attendu par les conseillers financiers
États-Unis17,5%6,7%
Canada11,2%5,1%
France12,1%4,7%
Source : https://www.im.natixis.com/us/research/2021-natixis-global-survey-of-individual-investors

De toute évidence, les professionnels utilisent des rendements historiques du même ordre que ceux que nous avons estimés dans notre article sur les rendements boursiers à long terme. Cependant, même ces estimations sont trop optimistes compte tenu des valorisations extrêmes actuelles.

Nous apprenons de plus qu’à l’échelle mondiale, la tendance s’est détériorée de 8,9% de rendement réel attendu en 2014 à 13% en 2021.

Malgré des anticipations de rendements élevées, peut-être y a-t-il une justification rationnelle à l’investissement boursier ?

Par exemple, les parts sociales sont un moyen de se protéger de l’inflation puisque l’entreprise a au moins dans une certaine mesure la possibilité d’augmenter ses prix. Avec une inflation officielle de l’ordre de 7%, en réalité sans doute plus, l’investissement boursier peut être justifié dans le contexte actuel.

Plus généralement, une bonne façon d’évaluer si l’investissement en actions est avisé consiste à le comparer aux alternatives. Les Anglo-saxons utilisent d’ailleurs le terme de « TINA » ou « There Is No Alternative » pour illustrer le fait que les autres classes d’actifs ont des perspectives encore pires.

Mettons-nous un instant à la place d’un investisseur qui doit choisir entre acheter des actions et acheter des obligations et vivre avec son choix les dix prochaines années. De plus, l’investisseur ne veut pas faire d’hypothèse sur la direction des prix. Il s’intéresse donc uniquement à comparer les dividendes de l’action avec les coupons de l’obligation sur toute la période.

Cela revient à mesurer le taux de croissance des profits (et des dividendes) requis pour produire des rendements boursiers au-dessus des taux obligataires.

Voici un exemple en considérant un taux d’intérêt à 10 ans r=1,5%, un taux de dividende initial de d=2%, et un taux de « croissance » des profits, des dividendes et du PIB de c=-0,5%.

AnnéeAchat/vente actionDividendesFlux de trésorerie actualisé
0-100,00 -100,00
1 1,991,96
2 1,981,92
3 1,971,88
4 1,961,85
5 1,951,81
6 1,941,77
7 1,931,74
8 1,921,71
9 1,911,67
1095,111,9083,59

La somme des flux actualisés ci-dessus est 0.

Autrement dit, l’investisseur préférera les actions tant que les profits ne baissent pas plus de 0,5% par an!

Le taux de croissance requis pour préférer les actions peut être calculé directement avec l’équation :
c = (1+r)(1+d)-1

Sources des données : FRED, Federal Reserve Bank of St. Louis
Dividendes nets : Nonfinancial Corporate Business; Net Dividends Paid, Transactions [BOGZ1FU106121075Q]
Capitalisation : Nonfinancial Corporate Business; Corporate Equities; Liability, Level [NCBEILQ027S]
Taux d’intérêt à 10 ans : Market Yield on U.S. Treasury Securities at 10-Year Constant Maturity [DGS10]

D’après le graphique ci-dessus, les actions n’apparaissent pas surévaluées lorsqu’on les compare aux obligations. En d’autres termes, s’il y a une bulle boursière, elle fait pâle figure face à la bulle obligataire.

Notez que la croissance des profits n’est pas gratuite; elle est le résultat d’investissements qui viennent réduire à court terme les dividendes versés aux actionnaires. Nous avons donc fait une hypothèse simplificatrice. Celle-ci est justifiée, car l’objectif était de classer les années selon l’avantage qu’il y a à investir en actions et non de faire un calcul exact.

3.      Combien de nouveaux participants est-il entré sur le marché ?

Le sommet d’une bulle est atteint lorsque tous ceux qui étaient susceptibles de participer sont entrés dans le marché.

Vous n’êtes plus très loin du sommet lorsque le chauffeur de taxi ou le barbier vous parle du marché boursier. Selon la légende, en 1929, un jeune cireur de chaussures suggéra au spéculateur Joseph Kennedy d’acheter des actions. Joseph Kennedy aurait par la suite vendu à découvert le marché boursier, se créant au passage une fortune lors du krach boursier.

Depuis 2020, la frénésie du public est bien présente, mais elle ne concerne pas l’ensemble du marché. Les néophytes qui ont été attirées par le marché boursier l’ont surtout été par l’attrait des actions technologiques comme Tesla, ou des actions mèmes de WallStreetBets telles que GameStop, AMC. Cependant, rien ne semble égaler l’engouement pour les cryptomonnaies, certaines ayant été créées pour rire comme Doge Coin et Shiba Inu, ainsi que les « Non Fungible Tokens » ou NFT.

Apparemment, selon l’expression consacrée, rien ne perturbe autant le jugement que de voir son voisin devenir riche.

Voici l’évolution du nombre de comptes de courtage actifs chez Charles Schwab qui est un des principaux courtiers aux États-Unis ainsi que la plateforme alternative Robinhood.

Source : rapports annuels

Pour 2021, la décélération est nette puisque 3,7 millions de nouveaux comptes ont été ouverts au premier trimestre contre « seulement » 1,3 million lors du deuxième trimestre.

D’autres signes montrent un échauffement du marché actions. Bank of America Investment Strategy a compilé les montants investis dans les actions, les Fonds Négociés en Bourse (ou ETF ou traqueurs) et les fonds mutuels longs. En 2021, plus de 1000 milliards de dollars ont été investis en 2021, soit davantage que pendant les 19 années précédentes !

Pour nuancer les deux points précédents, mentionnons une étude de Gallup mise à jour chaque année sur la proportion des ménages américains qui détiennent des actions. Elle se situe aujourd’hui à 56%, un niveau qui reste au-dessous de 60, le niveau atteint au plus fort de la bulle internet en 1999.

Il est délicat de calculer précisément les nouveaux entrants, mais nous pourrions nous contenter d’une approximation.

Morgan Housel, l’auteur de La psychologie de l’argent, explique que lors de la formation d’une bulle, l’arrivée de nouveaux participants se traduit par un raccourcissement de l’horizon de placement. Autrement dit, les titres sont échangés de plus en plus rapidement. Peu importe que le prix de l’action Tesla soit 10 ou 100 ou 1000 dollars tant que le titre continue de s’envoler comme une fusée…

Nous avons donc calculé le taux de roulement du marché boursier, soit le ratio du montant des transactions sur la capitalisation boursière.

Source :
Banque Mondiale, Capitalisation boursière des entreprises intérieures cotées (dollars courants) et Actions transigées, valeur totale (dollars courants) jusqu’en 2019
FRED, Wilshire Associates, Wilshire 5000 Full Cap Price Index [WILL5000PRFC] et CBOE, données historiques des volumes de marché pour 2020 et 2021.

Sur une longue période, la technologie ou des phénomènes comme le trading haute fréquence et l’investissement passif font fluctuer le ratio du montant des transactions sur capitalisation boursière.

Il n’existe donc pas une « juste valeur » du ratio du montant des transactions sur capitalisation boursière comme cela était le cas pour l’indicateur de Buffett.

C’est pourquoi il est plus intéressant d’étudier les variations d’une année sur l’autre. Comme nous pouvions nous y attendre, au plus fort de la bulle internet et juste avant la crise de 2008, nous observons un net accroissement de l’activité boursière. En 2020, les données semblent indiquer que de nombreux nouveaux participants ont commencé à être actifs sur les marchés. En 2021, le niveau de participation semble au même niveau qu’en 2020.

Le graphique ci-après défie l’entendement. Non seulement il y a davantage de participants, mais ceux-ci ont de l’argent à ne plus savoir quoi en faire. Le graphique mesure le total des espèces détenues dans les comptes bancaires des ménages américains.

Source : FRED, Federal Reserve Bank of St. Louis

4.      À quel point le sentiment haussier est-il répandu ?

À quels signes reconnaît-on une euphorie boursière ?

Lorsque votre ami vous raconte qu’il a quitté son emploi pour devenir « day trader »… Lorsqu’une entreprise rachète ses actions alors que le prix est surévalué, juste pour faire encore monter le prix… Lorsqu’un article de la presse déclare que Warren Buffett n’est plus dans le coup… Lorsque le profit devient secondaire et que ce qui compte est l’image et le discours…

Les investisseurs n’ont jamais autant misé sur des compagnies non rentables, sauf peut-être durant la bulle internet. Parmi les 1500 plus grandes entreprises aux États-Unis, 200 ont perdu de l’argent 3 années d’affilée. Mais comme on dit, les derniers seront les premiers… Ces entreprises cancres ont été récompensées par une augmentation disproportionnée de leur capitalisation boursière !

D’après GMO, la situation est encore pire si on se limite aux entreprises en croissance, principalement des entreprises technologiques. Plus de 60% ont des profits négatifs!

Au moins en 2000, malgré les compagnies improbables comme Pets.com ou Boo.com, nous avons assisté à une véritable révolution technologique qui allait transformer nos façons de vivre, de travailler et de consommer. Or, en 2022, la valorisation extrême du marché boursier a pour arrière-plan une économie sous respiration artificielle.

Comme nous l’avions déjà observé précédemment, beaucoup d’investisseurs ne s’enthousiasment pas vraiment pour les actions. Ils en achètent faute de mieux ou pour se débarrasser d’espèces que leurs gouvernements déprécient activement. D’autres investisseurs, plus désespérés encore, tentent le tout pour le tout.

Le secteur de croissance n’est pas le seul qui fasse l’objet d’une spéculation intense.

À partir de mars 2021, il y a eu une explosion de l’activité sur les « penny stocks », des titres marginaux et très spéculatifs échangés de gré à gré avec peu de transparence, bref des tickets de loterie.

Le graphique ci-dessous mesure le volume de transactions typique d’un « Penny Stock » pour une journée donnée et le compare à son plus bas sur 52 semaines. Le niveau de transaction a donc considérablement augmenté sur la période récente.

Source : SentimenTrader

La nature humaine étant ce qu’elle est, quelqu’un qui vient d’investir ses économies dans Tesla ou Bitcoin va généralement avoir un sentiment haussier. Il pense (ou espère) que ça va monter, sinon pourquoi aurait-il investi ?

Donc, plus le public est investi dans la bourse et plus le sentiment général est haussier, et moins il reste de candidats pour rejoindre le troupeau. Comme il y a moins d’acheteurs, cela constitue en général un point de retournement.

Nous pouvons observer un tel point de retournement en 2000 dans le graphique ci-dessous.

Source : sondage de l’Association of American Individual Investor, % de répondants ayant un sentiment haussier

Pour 2020 et 2021, même si nous observons un fort accroissement du sentiment haussier, nous sommes encore loin de l’exubérance irrationnelle de la bulle internet.

Puisque la demande est forte, l’offre s’ajuste en conséquence. Ce ne sont pas seulement les gouvernements qui impriment du papier. En effet, il n’y a jamais eu autant d’introductions en bourse qu’aujourd’hui. La nouveauté de ces deux dernières années est l’essor des SPAC, aussi appelés compagnies d’investissement « chèque en blanc ». C’est tout dire.

Le graphique suivant illustre l’ampleur du phénomène.

Source : Federal Reserve Board, Financial Accounts of the United States

Les entreprises et leurs dirigeants profitent en quelque sorte de la situation. Contrairement à la bulle internet, et en dehors des investisseurs particuliers, les autres intervenants du marché semblent garder la tête froide. Du reste, en plus des émissions d’actions, un certain nombre d’initiés tirent parti des valorisations élevées pour convertir leurs actions en espèces sonnantes et trébuchantes.

Un article de CNBC paru le 1er décembre 2021 nous apprend que :

Les ventes d’actions par des initiés ont augmenté de 30% par rapport à 2020 pour atteindre 69 milliards de dollars, soit un niveau de 79% au-dessus de la moyenne sur dix ans, d’après InsideScore/Verity. Les ventes devraient s’intensifier dans la mesure où décembre est souvent un mois actif pour des raisons de planification fiscale.

5.      Est-ce que les achats d’actions sont financés avec du levier ?

Pour reprendre une image de Mark Spitznagel, le directeur des investissements du fonds spéculatif Universa, le levier sur les marchés financiers est comparable au bois mort qui s’accumule dans les forêts. Une étincelle suffit à propager l’incendie.

Le levier n’augmente pas réellement le risque d’un krach. Mais lorsqu’il survient, les investisseurs sur marge ou ceux qui se financent à crédit sont forcés de vendre, ce qui amplifie la dégringolade des prix.

D’autre part, un levier important aura tendance à traduire un excès de confiance des investisseurs.

En plus du trading sur marge et du crédit, nous pouvons aussi considérer l’utilisation d’options comme du levier. À ce propos, lors de l’épisode WallStreetBets, des particuliers s’étaient ligués pour faire monter le cours d’actions comme GameStop et AMC, en particulier en achetant des options d’achat. Les vendeurs de ces options devaient alors se couvrir en achetant les actions sous-jacentes, ce qui faisait monter le cours et démultipliait les gains sur les options. Ce phénomène est appelé « gamma hedging » ou couverture gamma.

Dans le même ordre d’idée, les investisseurs peuvent accroître leurs gains (ou leurs pertes) grâce aux traqueurs à levier long ou à découvert, selon qu’ils parient à la hausse ou à la baisse. Dans le graphique ci-dessous, le rapport du volume des traqueurs avec levier longs sur celui des traqueurs à découvert (sans levier) illustre l’augmentation des positions haussières avec levier.

Source : Topdown Charts

Si nous revenons à la mesure traditionnelle du levier, c’est-à-dire le crédit offert par les courtiers pour l’achat de titres, nous avons atteint aujourd’hui à un niveau extrême également, y compris lorsque nous le rapportons à la taille de l’économie.

Source :
Marge utilisée : FINRA Margin Statistics, Debit Balances in Customers’ Securities Margin Accounts
Produit Intérieur Brut : U.S. Bureau of Economic Analysis, Gross Domestic Product [GDP]

L’utilisation du crédit pour l’achat de titres est haut plus haut depuis les pics précédents en 2000, 2007 et 2019. Pour autant, est-ce que cela signale un krach boursier comme en mars 2000, en septembre 2008 et en mars 2020 ?

En réalité, il existe une différence importante avec ces événements. L’abondance du crédit offert pour financer l’achat de titres en 2021 devrait être mise en perspective avec un élément nouveau, à savoir la forte dépréciation de la monnaie et du crédit.

En effet, depuis mars 2020, la création de monnaie et de crédit atteint des sommets. Les banques commerciales sont responsables d’entre 80 à 95% de la création monétaire selon les estimations. Or, depuis l’arrivée du virus, les banques ont toutes les incitations pour prêter dans la mesure où le gouvernement leur garantit les prêts : « face, je gagne, pile, tu perds ». En adoptant ce point de vue, le crédit pour l’achat des titres paraît moins extravagant.

Dans le graphique ci-dessous, nous comparons le crédit utilisé pour l’achat de titres avec M2, l’agrégat monétaire qui inclut les espèces, les comptes courants et les comptes d’épargne liquides.

Source : FRED, Federal Reserve Bank of St. Louis
Produit Intérieur Brut : U.S. Bureau of Economic Analysis, Gross Domestic Product [GDP]
Agrégat M2 : Board of Governors of the Federal Reserve System (US), M2 [M2SL]

L’utilisation du crédit pour l’acquisition d’instruments financiers apparaît très élevée, mais pas extraordinaire au regard de la masse monétaire.

Naturellement, la monnaie n’est pas répartie équitablement entre les acteurs. Certains utilisent plus de levier que d’autres. La bonne mesure est sans doute quelque part entre les deux évaluations précédentes crédit/PIB et crédit/M2.

6.      À quel point les entreprises se sont engagées sur le long terme ?

Dans les années 1970, lors du premier choc pétrolier, le prix de toutes les matières premières avait très rapidement augmenté. Ceci a démarré un cercle vicieux dans lequel les entreprises commandaient davantage que leurs besoins réels, car elles anticipaient des prix plus élevés pour leurs futurs achats. Le marché s’aperçut alors qu’il n’y avait pas de pénuries, mais au contraire une accumulation massive des stocks. La production s’effondra en 1975.

Dans une dynamique de bulle, quelque chose de similaire se produit. Du fait de l’euphorie sur les perspectives de croissance et de l’afflux de capitaux, les entreprises prennent des engagements sur le long terme en investissant dans l’infrastructure et la construction d’usines. L’erreur de ces entreprises est d’extrapoler la demande actuelle sur le long terme.

En 2000, par exemple, c’est ce qui s’était passé avec les investissements dans la fibre optique ou le réseau de satellite Iridium.

Comme nous l’avions expliqué dans un précédent article, nous ne sommes clairement pas dans une situation de surinvestissement. Bien au contraire.

Dans la période récente, près de la moitié des entreprises américaines n’investissent pas suffisamment pour maintenir leur appareil productif. Et ce n’est pas faute de moyens, car, souvent, elles versent des dividendes aux actionnaires.

D’après Ray Dalio, les dépenses en capital du secteur privé sont en général un bon prédicteur de la performance relative des actions à un horizon de 3 à 5 ans. Un niveau excessivement élevé annonce de faibles rendements.

Source : FRED, Federal Reserve Bank of St. Louis
Produit Intérieur Brut : U.S. Bureau of Economic Analysis, Gross Domestic Product [GDP]
Dépenses en capital du secteur privé hors financières : Nonfinancial Corporate Business; Total Capital Expenditures, Transactions [BOGZ1FA105050005Q]

Ainsi, le niveau d’investissement n’a donc rien de comparable à ce qui avait cours lors de la bulle internet. Cependant, nous pourrions nuancer quelque peu en ventilant les dépenses en capital selon le secteur.

Source : https://www.linkedin.com/pulse/corporate-capex-comeback-callum-thomas

Comme nous l’avions déjà remarqué plus haut, le secteur des entreprises technologiques semble particulièrement spéculatif. Les dépenses en capital confirment aussi cette impression.

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