⭐⭐⭐Livre « Climat : comment éviter un désastre » de Bill Gates

Introduction

Que vous croyiez ou non à la « science climatique », il ne fait aucun doute que les élites mondialisées vont prendre action et que cela va affecter votre vie.

Bill Gates est très écouté parmi les chefs de gouvernement et les PDG. Son récent livre Climat : comment éviter un désastre mérite donc d’être étudié avec attention.

De plus, Bill Gates dispose une extraordinaire capacité à analyser les données et séparer l’essentiel de l’accessoire. Il l’a illustré dans un autre livre Le travail à la vitesse de la pensée, publié en 1999 qui a prédit très précisément le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.

A bon entendeur.

Points clés à retenir

Mise en contexte

L’humanité rejette environ 51 milliards de tonnes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère chaque année. Nous devons trouver un moyen de faire tomber ce nombre à zéro. Comme le développement économique est très corrélé à la consommation énergétique, il faudra donc que notre énergie soit propre. Le solaire et l’éolien ne sont qu’une partie de la solution et ils ne concernent que la production d’électricité. Or 73% des émissions ne sont pas liés à la production d’électricité.

Le principal défi est de rendre les énergies vertes aussi abondantes et moins chères que les énergies fossiles.

Pourquoi zéro ?

80% du CO2 que nous émettons aujourd’hui sera éliminé de l’atmosphère au cours des 10000 prochaines années. En attendant, les molécules de CO2 présentes dans l’atmosphère la réchauffent à cause de ce qu’on appelle « l’effet de serre ».

La plupart des radiations solaires traversent les gaz à effet de serre sans interagir avec eux et vient réchauffer la surface de la planète. La Terre renvoie alors une partie de l’énergie vers l’espace sous forme d’infrarouges qui vont exciter les gaz à effet de serre et ainsi réchauffer l’atmosphère. Ce phénomène physique ne concerne que les molécules composées d’atomes différents comme le CO2, mais pas le dioxygène ni le diazote.

L’objectif zéro carbone ne signifie pas que nous allons arrêter la production de ciment ou d’engrais. L’idée est plutôt de rétablir un équilibre entre la production et l’élimination du CO2, ce qui était probablement la situation avant le milieu du 18ème siècle.

Nous sommes d’ores et déjà près de 1°C au-dessus des températures préindustrielles.

Si nous ne faisons rien, les températures vont encore augmenter de 1 ou 2 degrés Celsius d’ici 2050. Ce faible chiffre ne dit pas l’étendue des changements que cela va entraîner. A l’époque des dinosaures, la température était seulement 4°C plus élevée, et l’on trouvait des crocodiles au niveau du cercle arctique.

Il existe d’autres gaz à effet de serre comme le méthane qui d’un côté est 120 fois plus « nocif » que le CO2 mais est éliminé plus rapidement de l’atmosphère. Les 51 milliards de tonnes de CO2 sont en fait des équivalents CO2, seuls 37 milliards sont réellement dus au CO2. Le restant provient d’autres gaz à effet de serre.

Le changement climatique va augmenter le nombre de catastrophes naturelles. Par exemple, l’air plus chaud absorbe davantage l’humidité et dessèche les sols, ce qui augmente les risques de feux de forêt et diminue les rendements agricoles. Le réchauffement des océans les dilate, ce qui contribue à la montée du niveau de la mer d’environ 50cm.  Cela n’a l’air de rien, mais les plages seront menacées de même que les villes établies sur sol poreux comme Miami.

Du point de vue de l’alimentation, les céréales tirent parti d’un surplus de CO2 dans l’atmosphère. Concrètement les régions froides augmenteront leur rendement tandis que l’Europe du Sud et l’Afrique Subsaharienne seront pénalisées par la sécheresse. L’augmentation des températures devrait aussi avoir un impact négatif sur les rendements laitiers et la production de viande. Les écosystèmes des océans seront touchés. Certaines zones auront un surplus d’oxygène et d’autres un déficit d’oxygène, ce qui va amener à un déplacement des ressources halieutiques.

Dans la prochaine décennie ou la suivante, le changement climatique aura un effet sur l’économie équivalent à un Covid19 tous les dix ans.

Ce sera difficile

Les hydrocarbures se retrouvent partout. Ils sont dans nos produits, nos infrastructures et dans les carburants qui permettent le transport des personnes et des marchandises. Ils sont très difficiles à remplacer dans la mesure où ils contiennent beaucoup d’énergie et ont un prix dérisoire. En fait, un baril de pétrole coûte moins cher qu’un volume équivalent de soda !

Dans le même temps, les pays en voie de développement consomment de plus en plus d’hydrocarbures pour la construction, pour les voitures, l’air conditionné, les réfrigérateurs et les ordinateurs. Plus grave encore, les populations de ces pays augmentent constamment.

L’augmentation du niveau de vie est une bonne nouvelle pour ces individus, mais pas pour le climat. Bien entendu, il serait immoral de maintenir les pays en voie de développement de rester sur le bord de la route. Nous devons simplement les aider à progresser sans endommager davantage le climat.

Historiquement, la transition d’une source d’énergie vers une autre prend des décennies : du bois au charbon, du charbon au pétrole, du pétrole au gaz naturel et maintenant la transition vers les énergies renouvelables.

Jusqu’à aujourd’hui, les transitions ont eu lieu vers une source d’énergie moins chère, mais la transition vers les énergies renouvelables est motivée par l’environnement. Si les choses devaient évoluer naturellement, la part d’énergies renouvelables serait trop faible. Nous devons forcer une transition à un rythme non naturel pour arriver à l’objectif zéro carbone.

Une façon de changer la donne consiste à créer les bonnes incitations. En effet, l’industrie de l’énergie est régulée selon des lois et règlements d’une époque où le changement climatique n’était pas sur le radar. Il faudrait donc adapter les contraintes pesant sur les compagnies énergétiques.

Un autre problème est que le pouvoir politique change au gré des élections, ce qui ne permettra pas de maintenir le cap sur la priorité climatique. Cela crée des incertitudes pour l’emploi des chercheurs, pour les entrepreneurs et les marchés privés.

Contrairement à l’opinion commune, il n’y a pas un consensus parfait sur le changement climatique. Certes, 3% des chercheurs ne pensent pas que le changement climatique est causé par des activités humaines. Mais surtout, beaucoup de gens ne croient pas que nous devrions consacrer des ressources pour l’empêcher ou s’y adapter, surtout en comparaison de sujets comme la santé et l’éducation. Un autre groupe considère que nous avons tout ce qu’il nous faut avec le solaire et l’éolien. Nous sommes en désaccord avec ces deux positions.

Cinq questions à poser dans tout débat climatique

De quelle proportion des 51 milliards de tonnes parle-t-on ?

Pour mettre les choses en perspectives, il ne faut pas s’arrêter à mesurer les tonnes de CO2 économisées mais rapporter ce montant au total annuel de 51 milliards. De plus, il faut aussi juger un programme de réduction des émissions selon son potentiel à long terme. Si la réduction des émissions proposée est fixe, c’est une chose, mais si le programme promet des réductions de plus en plus importantes, c’en est une autre.

Quel est la solution pour le ciment ?

Cinq activités génèrent des émissions. Nous devons trouver une solution pour chacune d’entre elles et pas seulement nous focaliser sur la production d’électricité.

Pourcentage des émissions de gaz à effet de serre
Fabrication (ciment, acier, plastique)31%
Électricité27%
Agriculture19%
Transport16%
Chauffage, réfrigération, air conditionné7%

De combien de Watts parle-t-on ?

Une maison utilise de l’ordre d’un kW (kilo Watt), une ville utilise de l’ordre du GW (Giga Watt), un grand pays utilise de l’ordre d’une centaine de GW.

Combien d’espace cela utilise-t-il ?

Les terrains sont en quantité limitée et les sources d’énergie en font un usage plus ou moins important. La mesure intéressante, ici, est la densité énergétique.

Source d’énergieWatts par m²
Hydrocarbures500-10000
Nucléaire500-1000
Solaire5-20
Hydroélectrique5-50
Éolien1-2
Bois et biomasse< 1

Combien ça va coûter ?

Lorsque l’on compare des énergies fossiles et leur équivalent vert, il est intéressant de calculer la prime environnementale associée, c’est-à-dire le surcoût de l’alternative verte. Par exemple, si le prix au gallon du kérosène est 2,22$ et le prix d’une quantité équivalente de biocarburant est 5,35$, alors la prime environnementale est de 3,13$.

Si la prime environnementale est élevée, il y a matière à poursuivre des recherches pour produire une avancée qui changera la donne. D’autre part, ces primes vertes pourront servir à mesurer le progrès dans la lutte contre le changement climatique.

Électricité

Il est fascinant de réaliser à quel point l’électricité est bon marché dans un pays développé. Laisser une ampoule de 40W allumée une heure durant vous coûtera seulement ½ cent.

D’un autre côté, l’électricité contribue massivement au changement climatique du fait de ses émissions de gaz à effet de serre. Notez en passant qu’il est plus facile de se passer d’hydrocarbures pour produire de l’électricité que de fabriquer des choses sans le gaz naturel, le pétrole ou le charbon.

Enfin, il y a un potentiel pour davantage de demande notamment par ceux qui n’y ont pas encore accès.

Bref, il faut commencer par l’électricité.

Actuellement dans le monde, 36% de l’électricité provient du charbon, 23% du gaz naturel, 16% des barrages hydroélectriques, 11% des énergies renouvelables, 10% du nucléaire, et 3% du pétrole.

Le passage au tout renouvelable est possible aux États-Unis moyennant un surcoût d’environ 15%, mais ce serait plus difficile ailleurs. En Chine, par exemple, le miracle économique de ces dernières décennies doit beaucoup à la construction d’une multitude de centrales au charbon. Avec l’expérience accumulée, ce pays a réduit le coût de la construction d’une telle centrale de 75%. La Chine entend maintenant exporter son savoir-faire dans les pays en voie de développement.

Les primes vertes ne sont pas tellement une fonction du coût de production des énergies renouvelables que du coût de transport (un tiers du total) à partir d’une région bien pourvue en soleil et en vent, ainsi que du coût induit par une énergie intermittente et peu fiable.

Un autre problème est le coût extrêmement prohibitif du stockage de l’électricité dans des batteries. Trois jours d’électricité à Tokyo représentent 14 millions de batteries de 1kWh, soit un coût d’environ 400 milliards de dollars.

Pour les États-Unis, l’objectif zéro carbone pourrait être atteint en 2050 si nous rajoutons 75 GWatt de capacité chaque année, contre 22 GWatt aujourd’hui. Des efforts importants devront aussi être consacrés à la refonte du réseau électrique. En effet, jusqu’ici les centrales étaient localisées près des villes tandis que l’approvisionnement en carburant s’effectuait via les pipelines ou le réseau ferré. Dans le futur, il faudra disposer de câbles à très haut voltage pour transporter l’électricité sur de longues distances. Les nombreux propriétaires sur le chemin pourraient s’y opposer.

La construction du nouveau réseau électrique va demander plus de coopération entre les États, pour produire l’électricité là où il y a du soleil et du vent puis la transporter partout ailleurs. Comme la consommation d’électricité va augmentée par exemple pour le chauffage ou pour recharger les véhicules électriques, il faudra redimensionner le service pour chaque foyer (fois 2 au minimum). Les câbles électriques souterrains ou en surface devront être aussi être remplacés. Bref, ces travaux ne passeront pas inaperçus.

Passons en revue les énergies sans émission.

  1. Fission nucléaire :  nous ne pourrons pas nous passer du nucléaire. De plus, une centrale nucléaire représente une utilisation optimale des matériaux puisque la quantité de béton, ciment, acier, verre rapportée à l’énergie produite est dérisoire. TerraPower, une société fondée par Gates en 2008, travaille à créer un réacteur plus sécuritaire. Des discussions sont en cours avec le gouvernement américain.
  2. Fusion nucléaire : Nous sommes à environ une décennie de maîtriser la fusion nucléaire. Lorsque la technologie sera contrôlée, il n’y aura plus de problème d’approvisionnement car l’hydrogène utilisé pour la fusion nucléaire est abondant dans les océans. De plus, la réaction émet peu de matériau radioactif et celle-ci ne dure que quelques centaines d’années au lieu quelques centaines de milliers d’années pour le plutonium.
  3. Éolien offshore : Le vent souffle presque en continu sur l’océan. De plus, les sites offshores ont l’avantage de se trouver près des grandes villes côtières. Bien sûr, les propriétaires de maisons au bord de la plage, les pêcheurs, et les zones touristiques apprécieront modérément les éoliennes offshores.
  4. Géothermie : La géothermie n’est disponible que dans certains endroits dans le monde et malheureusement c’est souvent près de volcans. Il faut savoir que 40% des puits creusés pour la géothermie ne donnent rien. Mais des avancées technologiques pourraient améliorer la situation.

Pour stocker l’électricité, nous avons les moyens suivants.

  1. Batteries : Il est très difficile d’améliorer les performances des batteries lithium-ion. Peut-être arrivera-t-on à multiplier les performances actuelles par un facteur 3, mais certainement pas par un facteur 30.
  2. Gravité : lorsque le coût de l’électricité est bas, des pompes peuvent être actionnées pour remplir un réservoir en hauteur. L’eau en aplomb est ultérieurement utilisée pour générer de l’électricité. Mais ce n’est pas réalisable dans beaucoup d’endroits. Une alternative prometteuse serait de maintenir de l’eau sous-pression sous terre et relâcher la pression pour actionner une turbine et générer de l’électricité.
  3. Réserve thermique : certains matériaux conservent bien la chaleur comme les sels fondus. Ils pourraient être utilisés pour stocker la chaleur du jour et produire de l’électricité la nuit.
  4. Hydrogène : L’idée est de produire de l’hydrogène par électrolyse à partir d’électricité solaire ou éolienne puis de stocker l’hydrogène sous une forme ou une autre avant de l’utiliser dans une pile à combustible le moment venu. Beaucoup de problèmes techniques restent à surmonter.

Voici également quelques autres innovations.

  1. Piégeage du CO2 : Cette solution existe depuis des décennies et permet de capturer le CO2 au point d’émission dans les usines. Une autre alternative capture le CO2 dans l’air ambiant. Mais il y a de la marge pour s’améliorer car le dispositif consomme encore beaucoup trop d’énergie.
  2. Économies d’énergie : Actuellement, nous générons de l’électricité lorsque nous en avons besoin. Mais dans le futur, nous pourrions renverser le principe : nous utiliserons l’électricité au moment de la journée où elle sera la plus abondante. Cela suppose des équipements intelligents qui s’adapteront à l’offre et la demande, mais aussi une politique de rationnement si la demande est trop forte.

Fabrication

Le béton qui est un mélange de gravier, sable, eau et ciment, est un matériau extraordinaire : il ne rouille pas, il ne pourrit pas et est ignifugé. Les États-Unis produisent 90 millions de tonnes de ciment chaque année (la Chine en produit six fois plus) et une quantité équivalente d’acier. Les autres matériaux qu’on retrouve à peu près partout sont les plastiques, le verre et l’aluminium.

Actuellement, la fabrication d’une tonne d’acier génère 1,8 tonne de CO2 selon le procédé traditionnel. Pour le ciment, c’est encore pire car celui-ci est obtenu à partir de la chaux dont on extrait le calcium en la brûlant. Il n’y a pas d’autre façon de faire du ciment. Au total, la fabrication d’une tonne de ciment génère une tonne de CO2.

Pour ce qui concerne les plastiques, produits à partir des hydrocarbures, environ la moitié des atomes de carbone restent dans le plastique à l’issue du processus de fabrication. Pour cette raison, les plastiques ne sont pas l’ennemi numéro un pour ce qui concerne le changement climatique.

Les primes vertes associées à la production du ciment, de l’acier et du plastique correspondent aux coûts des dispositifs de capture du carbone et sont respectivement :

  • Ciment : 75%-140%
  • Acier : 16-29%
  • Éthylène : 9-15%

Dans un produit fini, comme une voiture, ces surcoûts pourraient être passés sans trop de difficulté au consommateur et celui-ci serait possiblement d’accord avec l’idée. Le problème est que ce sont les entreprises et non les consommateurs qui achètent l’acier, le ciment et les plastiques et elles achèteront le produit le moins cher même s’il contribue au changement climatique.

Il y a plusieurs façons de s’y prendre. Les entreprises pourraient être contraintes par la loi d’acheter l’alternative verte. L’autre avenue est de modifier les procédés pour émettre moins de CO2 dans l’atmosphère.

Le ciment représente plus grand défi. Pour l’acier, des essais sont en cours pour produire du fer pur à partir du minerai de fer grâce à l’électrolyse. Pour les plastiques, il sera peut être un jour possible d’avoir un procédé de fabrication à émission négative : le CO2 de l’atmosphère serait utilisé pour produire le plastique ainsi que de l’électricité verte.

Agriculture

Les animaux d’élevage sont responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre : méthane et dioxyde d’azote, ce qui représente environ 7 milliards de tonnes d’équivalents CO2.

En 1968, le biologiste Ehrlich craignait que des centaines de millions de personnes ne meurent de faim dans les décennies à venir. Mais grâce aux travaux d’un autre biologiste Norman Borlaug, les paysans à travers le monde ont exploité des variétés de blé à haut rendement et la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu.

Dans le futur, la population va continuer d’augmenter et elle va vouloir consommer de plus en plus de viande, ce qui va aggraver le changement climatique.

Les bovins sont les principaux responsables. Les vaches d’Amérique latine contribuent cinq fois plus que les vaches européennes ou nord-américaines. C’est encore pire pour les vaches africaines. En effet, les races utilisées en Europe et en Amérique du Nord convertissent bien plus efficacement la nourriture ingérée en lait et en viande.

Parmi les solutions actuelles pour réduire la consommation de viande et le gaspillage alimentaire, citons :

  • La « viande » à base de plantes,
  • La viande créée en laboratoire,
  • Une poubelle intelligente qui reconnaît les aliments jetés et fournit un rapport détaillé du coût et de l’empreinte carbone associée.

La population humaine serait réduite d’environ 50% si nous n’étions pas capables de créer des engrais synthétiques comme nous le faisons aujourd’hui. A cet égard, les engrais à l’azote sont essentiels pour la croissance des plantes (elles vont utiliser tout l’engrais azoté disponible pour grandir) mais ils contribuent aussi au changement climatique.

Une percée majeure avait été réalisée au début du 20ème siècle lorsque deux chimistes allemands mirent au point un procédé pour synthétiser ce type d’engrais. Le problème est que la fabrication, le transport et l’application des engrais à l’azote génèrent beaucoup d’émissions. En particulier, la moitié de l’engrais appliqué n’est pas absorbé par les plantes et se retrouve dans les nappes phréatiques ou dans l’atmosphère sous forme de dioxyde d’azote.

Une idée populaire consiste à planter des arbres pour capturer le CO2, mais si l’on considère tous les paramètres pertinents, la réalité est qu’il faudrait planter 20 hectares dans une zone tropicale (là où l’effet bénéfique pour le climat est maximal à cause de l’humidité produite) pour compenser les émissions d’un Américain durant son existence. Rapporté à la population américaine, cela représente la moitié de la surface émergée de la Terre. De plus, pour qu’il y ait réellement un effet, il faut que les arbres plantés le soient dans une zone où les arbres n’allaient pas pousser naturellement ! En fait, la meilleure stratégie consiste à ne pas couper les arbres des forêts.

Transports

La plupart des gens pensent que les émissions de CO2 sont causées par les centrales à charbon, les voitures et les avions. C’est faux au niveau mondial, comme nous l’avons vu. Cependant, aux États-Unis, la voiture et les avions sont la première cause d’émission de gaz à effet de serre.

Pourcentage des émissions de gaz à effet de serre
Voitures, motos, SUV47%
Camions, bus30%
Cargos, navires10%
Avions10%
Autre (trains)3%

Pour les voitures, il y a deux possibilités pour arriver à l’objectif de zéro émission. Soit nous produisons du carburant à partir du carbone de l’atmosphère. Soit nous utilisons une autre forme d’énergie verte. C’est déjà le cas avec les véhicules électriques. La prime verte correspondante, qui est fonction du coût du carburant et de l’électricité est relativement faible et même pratiquement nulle dans certains pays d’Europe. Quant à la première option, il reste du chemin à faire pour les bio-carburants puisque la prime verte est encore de 106%, mais nous avons toutes les raisons d’être optimistes. Il y a également les électro-carburants à considérer qui sont obtenus en combinant l’hydrogène de l’eau avec le carbone de l’atmosphère (l’électricité fournissant l’énergie nécessaire à la réaction).

Il y a un effet d’échelle pour les batteries électriques. Plus le véhicule est grand, plus il est difficile d’utiliser l’électricité pour la locomotion. De même si les distances sont longues. Les batteries contiennent actuellement au mieux 35 fois moins d’énergie que l’essence. Pour cette raison, des camions à l’électricité n’ont pas vraiment de sens. La prime verte est 103% pour les biocarburants et 234% pour les électro-carburants.

Le même principe qui s’applique aux bus ou aux camions est encore plus vrai pour les avions. La meilleure avenue reste encore les carburants alternatifs. Les primes vertes sont respectivement de 141% pour les biocarburants et 296% pour les électro-carburants.

La situation est la même pour les navires. En fait, les primes vertes sont de 326% pour les biocarburants et 601% pour les électro-carburants car le fuel utilisé est un reliquat du raffinage peu dispendieux.

Climatisation

L’appareil qui consomme le plus de courant dans la maison est probablement l’air conditionné, si on ne tient pas compte des chaudières et des chauffe-eaux. Avec l’augmentation du niveau de vie, l’utilisation de ces appareils va augmenter fortement, ce qui est ironique puisque nous essayons de combattre le réchauffement climatique.

En plus de l’électricité qu’ils consomment, les climatiseurs utilisent des gaz à effet de serre très puissants. Mais des alternatives sont en cours d’élaboration.

Le chauffage dans les bâtiments, qu’il s’agisse de chauffer l’air ou l’eau, représente un tiers de la consommation totale dans les bâtisses. Contrairement à l’air conditionné, la majorité de l’énergie employée provient des énergies fossiles. L’approche ici serait similaire à celle pour les voitures : électrifier au maximum et lorsque ce n’est pas possible utiliser des carburants alternatifs.

La bonne nouvelle est que la prime verte est négative pour électrifier le chauffage domestique. Autrement dit, il est avantageux financièrement de passer au tout électrique. Le secret est d’utiliser des pompes thermiques. Cependant, comme les pompes thermiques sont moins efficientes que des chaudières aux gaz naturel, par exemple, elles restent encore encouragées par les incitations gouvernementales. Mais les régulations peuvent être révisées pour tenir compte des émissions plutôt que l’efficience. Une possibilité serait par exemple d’interdire la vente de chaudières à partir de 2035.

La construction des immeubles verts est encore très couteuse, mais celle des maisons vertes ne l’est pas. Il suffit de créer une couche enveloppante pratiquement étanche à l’air et d’utiliser de bons matériaux isolants, des fenêtres à triple vitrage et des portes efficientes.

S’adapter à un monde plus chaud

Une étude estime que 10 millions de personnes mourront chaque année du fait des vagues de chaleur d’ici la fin du siècle. L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud Est seront les plus touchées. Plutôt de d’essayer de réduire les émissions de carbone des pays les plus pauvres, qui sont déjà très faibles, l’essentiel de l’effort devrait aller à l’adaptation.

Le réseau CGIAR s’occupe de créer de meilleurs animaux et de meilleures plantes. Par exemple, le réseau développe activement une variété de maïs qui résiste à la sécheresse.

Bill Gates participe aussi à la Commission Globale sur l’Adaptation dont les recommandations sont les suivantes :

  • Aider les fermiers à gérer les risques d’un climat imprévisible : diversification des variétés cultivées et des animaux élevés, sécurité sociale, assurances climatiques.
  • Protéger les groupes vulnérables : promotion des droits de propriété des femmes, conseil ciblé pour les femmes.
  • Orienter les décisions des gouvernements : promotion de politiques de réduction des émissions tout en stimulant la croissance de la production de produits agricoles.

Il existe une panoplie d’idées pour se préparer au mieux au réchauffement climatique. Dans l’éventualité où nous devions atteindre un point de non-retour, par exemple si les cristaux de méthane au fond des océans étaient relâchés dans l’atmosphère, il faudrait envisager des approches radicales de géo-ingénierie.

Pour compenser les effets du réchauffement climatique actuel, il suffirait de réduire le niveau d’ensoleillement de 1%. Cela peut être réalisé :

  • En diffusant des particules très fines en haute atmosphère.
  • En augmentant le réfléchissement des nuages.

Ces remèdes sont peu couteux, efficaces et sans effets indésirables à long terme. Le seul problème est de les faire accepter par les populations. En effet, certains clament qu’il s’agit d’un traitement expérimental. Cependant, l’émission d’énormes quantités de gaz à effet de serre n’est-elle pas aussi une expérience à grande échelle sur la planète ?

Les politiques gouvernementales sont importantes

Les chefs d’État à travers monde doivent formuler une vision pour réduire les émissions à zéro. Ils peuvent par exemple spécifier le maximum d’émission des voitures, des centrales et des usines. Ils peuvent aussi favoriser les innovations sur les marchés financiers pour mettre un prix sur les risques climatiques. D’autre part, ils ont une grande influence sur la recherche scientifique aujourd’hui et contrôle le délai pour délivrer les autorisations de mise sur le marché des nouvelles solutions.

Les autres échelons du gouvernement peuvent aussi intervenir à différents niveaux : sur leurs achats d’équipement, sur la régulation des marchés de l’électricité, sur les codes de la construction ou sur les projets d’infrastructure.

Les gouvernements sont donc très importants. Si Microsoft avait eu l’idée de créer une relation avec les officiels du gouvernement dans les années 90, cela lui aurait sans doute évité une loi anti-trust.

Il ne serait que justice que les énergies fossiles soient surtaxées pour tenir compte des dommages qu’elles créent sur l’environnement. De plus, cela stimulera la compétitivité des énergies vertes.

L’approche qui a le plus de chance de réussir combine des politiques de réduction des émissions, le développement de nouvelles technologies et des incitations pour développer des marchés autant du côté de l’offre que de la demande.

Un plan pour arriver à zéro

La science nous dit que nous devons arriver à zéro émission d’ici 2050. Pour y parvenir, nous devrions nous efforcer de ne plus construire de centrales au charbon ou même au gaz car celles-ci seraient encore fonctionnelles en 2050.

Nous ne devons pas faire preuve du même manque de préparation que lors de la pandémie. La science climatique nous dit pourquoi nous devons traiter le problème.  Elle ne nous dit pas comment. La bonne approche est à la fois d’encourager la production d’innovations et la demande pour ces innovations.

Les technologies requises pour le futur sont :

  • Production d’hydrogène sans émission de carbone
  • Stockage d’électricité à l’échelle du réseau électrique pour au moins une saison
  • Électro-carburants
  • Biocarburants de seconde génération
  • Ciment zéro-carbone
  • Acier zéro-carbone
  • Viande et lait de synthèse
  • Engrais zéro-carbone
  • Fission nucléaire de seconde génération
  • Fusion nucléaire
  • Capture du carbone
  • Transmission électrique souterraine
  • Plastiques zéro-carbone
  • Géothermie
  • Hydro-pompe
  • Stockage thermique
  • Variétés de céréales résistantes à la sécheresse et aux inondations
  • Alternatives à l’huile de palme zéro-carbone
  • Liquide de refroidissement sans gaz à effet de serre

La recherche ne doit pas être cloisonnée. Nous pouvons faire de la recherche fondamentale tout en ayant une application en vue. De même, le public doit impliquer très tôt le privé, plutôt que de faire un passage de témoin. Ainsi, les entreprises auront la possibilité de développer des prototypes, réfléchir à un produit commercial et participer au financement.

Une taxe carbone pourrait servir à de multiples usages, mais celui qui fait le plus de sens est le financement de la recherche et développement. La taxe carbone permettrait aussi de faire payer par le public le prix de leurs émissions.

En plus des nouvelles technologies vertes, les gouvernements devraient mettre en œuvre des mesures pour retirer de la circulation des technologies fossiles peu efficientes. Toute une panoplie d’actions peut être entreprise au niveau du gouvernement fédéral, des provinces ou États, et des villes.

Au niveau international, le but des accords internationaux est de créer un effet d’entraînement et un moyen de pression sur les gouvernements. Aucun pays ne voudra apparaître comme le mouton noir ou le passager clandestin en refusant des objectifs de réduction d’émission. Pour ceux qui refuseraient de « faire leur part », les autres pays pourraient mettre en place des droits de douanes pour pénaliser les énergies fossiles importées. Une alternative serait de « punir » les récalcitrants en refusant de faire affaire avec eux.

Ce que chacun d’entre nous peut faire

Les politiciens ont beaucoup de sujets qui occupent leur attention. Ils décident de leurs priorités en fonction de ce que leur disent leurs électeurs. Pour cette raison, l’activisme peut faire une différence. Faîtes des appels, envoyez des lettres, participez aux assemblées publiques, présentez-vous aux élections.

En tant que consommateur, vous pouvez aussi voter grâce à votre portefeuille. Vous pouvez opter auprès de votre compagnie d’électricité pour recevoir uniquement de l’électricité renouvelable (plus chère). A la maison, vous pouvez remplacer les lampes incandescentes par des lampes à DEL, installer des thermostats intelligents, isoler vos fenêtres, et utiliser une pompe à chaleur.

Si vous achetez une nouvelle maison, vous pouvez exiger de l’acier recyclé et utiliser des matériaux isolants comme le béton isolant, une barrière thermique pour le toit et des fondations isolantes. Vous pouvez aussi acheter un véhicule électrique.

Le secteur privé peut agir lui aussi. Les compagnies peuvent s’imposer une taxe carbone selon leur unité de production. Elles peuvent prioriser les solutions à faibles émissions notamment pour ce qui est de leur budget de R&D. Les entreprises peuvent aussi montrer l’exemple en adoptant rapidement les nouvelles technologies vertes. Enfin, elles devraient se rapprocher du gouvernement pour participer à des initiatives conjointes.

Épilogue

La pandémie du Covid19 doit servir de leçon pour les prochaines étapes du changement climatique. Comme pour la lutte contre le virus, il doit y avoir un effort concerté des gouvernements, des chercheurs, et des entreprises pour réussir à avancer.

En refusant la distanciation sociale et les masques, nous n’avons fait que prolonger l’agonie. Nous devrions simplement laisser la science guider nos actions. Ceci est aussi valable pour le changement climatique.

A l’issue de la crise économique de 2008, la lutte contre le changement climatique a perdu en popularité. Nous ne devons pas faire la même erreur pour les prochaines années.

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