⭐⭐⭐⭐Livre « Win-Win or Lose » de Bill Bonner

Introduction

Le récent livre de Bill Bonner « Win-Win or Lose » cherche à répondre à la question : « Qu’est-ce qui fait une société civilisée ? ».

Selon Bill Bonner, une société prospère lorsqu’il y a plus de deals gagnant-gagnant que de deals gagnant-perdant.

Les deals gagnant-perdant, c’est-à-dire où le gain de l’un est la perte de l’autre, sont souvent obtenus par la force ou la menace de la force. En revanche, les deals gagnant-gagnant sont conclus volontairement, chaque partie espérant y trouver son compte.

Points clés à retenir

1. Au commencement

L’histoire est l’histoire des conflits, c’est-à-dire des arrangements gagnant-perdant. Elle laisse de côté les configurations gagnant-gagnant, qui sont pourtant à la base de vie civilisée.

L’exemple par excellence d’un arrangement gagnant-gagnant est la règle d’or énoncée par Jésus Christ : « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’on te fasse » ou sa version négative, la règle d’argent du rabbin Hillel : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».

Derrière l’idée de civilisation, il y a la notion de restreinte. Par exemple, le langage et son bon emploi, mais aussi la moralité ou encore les lois et les traditions.

Contrairement à l’idéal de Rousseau, le sauvage n’est pas fondamentalement bon. Pour lui, tuer n’est pas un crime mais plutôt un insigne honorifique. Dans les sociétés préhistoriques ou chez les indiens d’Amérique, on estime le taux d’homicide à 10%.

De nos jours, la violence est moins payante. L’assassin peut rarement jouir des biens et des femmes de sa victime. Même la vengeance n’est plus nécessaire puisque le gouvernement se charge de faire respecter la justice.

Depuis 4000 ans, nous observons une diminution continue de la violence des individus. Mais ce n’est pas nécessairement le cas pour les États. Il est par exemple acceptable de larguer deux bombes atomiques sur des populations civiles japonaises. Tant qu’on ne voit pas les morts, les meurtres d’étrangers ne posent pas trop de problème de conscience. Il s’agit là d’une persistance de la pensée tribale : eux contre nous, dont la version moderne est « la théorie du méchant ». Nous savons qui sont les méchants et nous avons le droit de les tuer… car ils préparent de mauvais coups.

2. Coopération et deals gagnant-gagnant

Il est toujours plus facile de demander aux autres de changer leur comportement que de se changer soi-même. Change de religion ! Change de gouvernement ! Enlève ton hijab ! Change ta façon de dépenser ton argent ! Change ta façon de te comporter avec ta femme !

Mais l’autre résiste à nos injonctions. Il n’a pas envie de changer. Pourtant, nous savons ce qui est bon pour lui. Ou peut-être n’est-ce pas bon pour lui, mais nous savons que c’est bon pour la société.

Dans les temps anciens, les gains ne pouvaient être obtenus qu’au dépens de quelqu’un d’autre. Ce quelqu’un d’autre était presque toujours le membre d’une autre tribu.

La vie civilisée est devenue possible lorsque nous avons su nous affranchir de la tribu, avec malheureusement quelques rechutes : « Ein Reich, Ein Folk, Ein Führer ». Il s’agit du même phénomène qui régule la circulation sur les routes : un ensemble de codes, traditions, principes, règles non écrites qui régulent de façon décentralisée les interactions. Aristote pensait qu’au-delà d’une certaine taille une ville devenait ingouvernable. En effet, à son époque, seule une petite communauté pouvait partager un code de conduite civilisé. Mais nous n’avons plus ce type de contraintes.

Les arrangements coopératifs, ou gagnant-gagnant, sont les seuls qui permettent de réels progrès. Premièrement, ils éliminent le gaspillage de temps et d’énergie inévitable dans des arrangements gagnant-perdant. Deuxièmement, leur principal objectif est d’améliorer le sort des participants. Troisièmement, chaque nouveau deal augmente notre connaissance sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Quatrièmement, les arrangements gagnant-gagnant rendent possible la spécialisation.

Le mariage est l’archétype d’un tel arrangement gagnant-gagnant. Il se peut que le mariage se termine mal, mais ce n’est pas l’intention au moment de contracter les vœux. L’union d’un homme et d’une femme est un exemple où la somme représente plus que les parties. D’abord, il y a là la satisfaction d’un instinct naturel. D’autre part, le mariage permet une spécialisation dans le couple. Et bien sûr, c’est dans le mariage que naissent la plupart des enfants.

3. Ce que la civilisation n’est pas

Il existe plusieurs théories concurrentes sur l’origine de la vie civilisée. Certains croient qu’une société est civilisée lorsqu’une partie de sa population – l’élite – est libre de s’intéresser aux arts, aux sciences, à la philosophie et à la politique. Dans ce modèle, une population d’esclaves supporte l’élite, comme dans la démocratie Athénienne. Dans la société moderne, les contribuables remplacent les esclaves.

Notre époque maintient dans l’oisiveté des multitudes grâce aux programmes sociaux, mais elle ne semble pas produire l’équivalent de Socrate, Périclès, Platon, Euripide, Sophocle, Aristophane, Hésiode, etc. Comme dans la Rome antique, une classe de personnes sans fonction sociale hormis manger du pain et être divertie par des jeux apporte peu à la civilisation. Au bout du compte, les masses oisives choisissent leur propre gouvernement et la fin devient inéluctable. L’oisiveté n’est donc probablement pas la cause de la vie civilisée.

Pour notre part, la civilisation repose sur une seule chose : une absence relative de violence. Non pas comment les femmes sont traitées, ni si le gouvernement est fort, ni les prouesses militaires mais la faculté de laisser ses voisins en paix.

Bien que le taux d’homicide entre particuliers diminue depuis des siècles, ce n’est pas tout à fait vrai des morts causées par les gouvernements. Au 20ème siècle, on estime que Hitler, Mao, Stalin et Pol Pot sont responsables de 137 millions de morts. Pol Pot est responsable à lui seul de la mort de 25% de la population du Cambodge, ce qui est sans équivalent dans l’histoire de l’humanité.

Toutes les tentatives conscientes de faire un monde meilleur ont échoué. La vie est bien trop subtile et il y a simplement beaucoup trop d’influences pour comprendre vraiment ce qui se passe. Pourtant, cela n’a pas empêché les bienfaiteurs de l’humanité, les bons samaritains, les politiciens de continuer d’essayer. L’idéal positiviste qui a eu tant de succès dans les sciences est aussi mis en pratique depuis deux siècles dans les « sciences sociales ». Voilà comment nous en sommes arriver à nos politiques publiques pour manipuler les taux, les prix, les règles afin de stimuler l’économie.

Le sociologue allemand Norbert Elias décrit le processus de civilisation comme la succession de deux étapes : d’abord, la monopolisation de la violence par le gouvernement, ensuite, l’échange équilibré. Le commerce développe l’empathie car vous devez comprendre les besoins et les aspirations de votre client. L’invention du parfum est peut-être la manifestation de ce nouveau respect pour l’autre.

4. A quel jeu sommes-nous en train de jouer ?

Le dilemme du prisonnier a montré que la stratégie la plus payante était donnant-donnant. Si l’autre ne coopère pas, nous ne coopérerons pas. Mais ce jeu est une simplification exagérée de la réalité. Dans la vraie vie, si quelqu’un vous trahit, vous n’êtes pas obligé de rejouer avec lui. Vous pouvez lui pardonner… et ne plus lui adresser la parole.

D’autre part, le dilemme du prisonnier suppose que les parties en présence ont un pouvoir égal. Ce n’est pas conforme à notre expérience. En particulier, lorsque le gouvernement participe à un tel jeu, il peut vous forcer à coopérer avec les autres, c’est-à-dire à obéir. Il a également le pouvoir de décider qui gagne et qui perd. Pourquoi alors participer un tel jeu ?

Une société civilisée ne se caractérise pas par ce qu’elle fait mais plutôt par ce qu’elle ne fait pas : ne pas tuer… ne pas voler… ne pas violer. Sans restreintes sur la violence, seuls les hommes forts physiquement s’imposent. Mais dans une société civilisée, l’intellectuel ou l’inventeur Jeff Bezos ou Mark Zuckerberg peut s’épanouir… et enrichir la société. Dans ce type de société, la force physique a laissé la place à l’intelligence, la ruse, la duplicité, l’attention, le tact, la persuasion, etc. De telles qualités favorisent la coopération.

Du point de vue du gouvernement, la coopération entre acteurs privés lui est au mieux indifférent, ou au pire, constitue une menace. En effet, la coopération mène à l’innovation et l’innovation risque de remettre en cause l’ordre établi.

A y regarder de plus près, les arrangements gagnant-perdant sont en fait des jeux à somme négative. Il y a toujours des coûts, de la friction, des pertes, des retours de flamme, des boucles négatives de rétroaction. Par exemple, la levée de l’impôt qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Jacques, a des coûts d’administration, des coûts pour les audits, etc. Encore s’agit-il là des coûts directs, alors que les coûts indirects sont plus difficiles à mesurer (ce que vous auriez pu acheter si vous n’aviez pas été obligé à payer votre « juste part »).

Un autre exemple est l’esclavage. Au 19ème siècle, la main d’œuvre salariée est devenue plus rentable que l’esclavage compte tenu des coûts pour la nourriture, le logement et la surveillance. Il était aussi beaucoup moins aisé de maintenir les esclaves dans l’ignorance avec l’amélioration des communications. Enfin, un esclave n’est jamais aussi motivé ni aussi productif qu’un homme libre.

Enfin, la guerre est le deal gagnant-perdant ultime. Même en temps de paix, les ressources consommées pour préparer la guerre sont soustraites à des activités plus productives.

5. Gagnant-gagnant… ou perdant ?

Il y a l’officiel et le vernaculaire. Par exemple, il y a d’un côté la langue officielle avec ses règles de grammaire et de syntaxe et de l’autre la langue vernaculaire, celle parlée tous les jours par les gens. De la même façon, pour ce qui concerne les lois, il y a la description officielle de comment elles sont supposées s’appliquer et il y a la réalité du terrain. La vie civilisée est l’équivalent du vernaculaire, une création collective et qui a de la valeur parce qu’elle est largement partagée dans la population.

Lorsque nous parlons de progrès, la plupart des gens se représente le progrès matériel et technique. Mais un autre type de progrès existe : le progrès social. Par exemple, nous sourions pour indiquer l’absence d’intentions hostiles depuis la nuit des temps. William von Hippel considère que faire la queue est un autre de ces progrès sociaux.

Les deals gagnant-gagnant supposent une association volontaire. Rien ne doit vous obliger à participer. Ainsi, de ces libres associations émerge de l’information sur ce qui plaît et ce qui ne plaît pas. Si le chef d’un restaurant ne rencontre pas le succès, il devrait peut-être songer à faire autre chose. A moins que le gouvernement s’en mêle et lui permette de continuer à servir de mauvais plats et gaspiller de bons ingrédients plus longtemps que nécessaire.

Une des périodes les plus fastes dans l’histoire de l’humanité correspond grosso modo à la phase de mondialisation récente. Sur une période de 50 ans, l’extrême pauvreté a reculé de 75% à 9%. Davantage de transactions signifie plus de compétition, plus de choix, plus de prospérité. C’est également une des différences entre les économies riches et les économies pauvres. Une économie riche est ouverte au commerce international.

Malheureusement, rien ne garantit la poursuite du progrès. Si le gouvernement ne peut pas vous rendre riche, il peut vous rendre pauvre. La tentation est très grande pour ceux qui ont accès aux cercles du pouvoir de détruire la concurrence et de s’imposer socialement, quitte à être le borgne au royaume des aveugles.

Les sociétés avec haut degré de confiance comme la Suisse sont plus propices aux deals gagnant-gagnant. En effet, moins de temps et d’argent est dépensé à faire des revues diligentes puisque vous avez peu de chance d’être victime d’un larcin. D’un autre côté, plus la société a un haut degré de confiance, plus il est payant de tricher.

Selon nous, l’inégalité n’est pas perçue comme un problème si la richesse est le fruit du travail, du talent et de deals gagnant-gagnant. Cependant, malgré cette observation, la plupart des économistes, politiciens et autres bienfaiteurs de l’humanité disent souhaiter réduire les inégalités mais sans trop s’interroger sur les causes. Dans la plupart des études sur l’inégalité, le gouvernement est présenté comme la solution au problème. Mais si c’était le contraire ?

Celui qui a réussi n’entend pas tout risquer et trouve le moyen d’acheter les faveurs des décideurs politiques pour neutraliser la compétition. C’est cela qui explique que dans un environnement stable les inégalités ont tendance à augmenter. En conclusion, les initiés utilisent le gouvernement pour ponctionner le reste de la population.

Plus généralement, une bonne façon d’évaluer les politiques publiques serait de se demander si elles facilitent ou non les deals gagnant-gagnant.

6. Fausses nouvelles

La plupart des nouvelles ne sont pas exactement vraies, mais pas fausses non plus. Elles sont difficiles à décoder tant celles-ci sont chargées de mythes, de présupposés, de vœux pieux. L’exemple du discours de Powell sur les prétendues armes de destruction massive de l’Irak à l’ONU en 2003 en est la caricature de la fausse nouvelle.

En un certain sens, les mots eux-mêmes mentent. Et plus le mot est abstrait, et plus il y a un potentiel d’être déconnecté de la réalité. Dans le bestiaire des mythes, les super-mythes sont les grandes idées que peu de gens penseraient à questionner : le changement climatique, le progrès, la démocratie et son cousin l’état-nation, le fait que tuer est mal, que le genre s’acquière par socialisation, que le travail des enfants, la torture, l’inégalité et l’esclavage sont à éviter dans tous les cas.

Des contre-vérités tant qu’elle reste dans le cercle privé ont peu de conséquences et sont rapidement corrigées. Si vous croyez pouvoir voler en sautant d’une falaise et en battant des ailes, vous allez découvrir que la gravité est bien réelle. En revanche, les mythes publics et les hallucinations collectives ont la fâcheuse tendance à durer un bon moment. Le communisme en Russie a duré 70 ans, par exemple. Les dynasties égyptiennes, quant à elles, ont survécu des milliers d’années. De tels mythes, comme les bons mensonges, doivent leur succès à l’adéquation du message avec ce que le peuple a envie d’entendre.

L’histoire, elle-même est remplie de mythes, certains utiles d’autres toxiques. Les mythes les plus récents se basent sur l’interprétation des événements récents et sont probablement moins pertinents que les anciens mythes. Malheureusement, les historiens font un choix des événements significatifs au détriment du reste. Mais peut-être se trompent-ils ?

De l’histoire du 20ème siècle, on retient que Hitler était un méchant et que Chamberlain n’aurait jamais dû lui céder à Munich. Cependant, il nous semble que la vraie leçon du 20ème siècle est plutôt que les peuples les plus civilisés dans les nations les plus civilisées sont susceptibles de basculer dans la barbarie. Lorsque les élites en place sont discréditées par une guerre perdue, l’hyperinflation et la dépression, une nouvelle élite émerge capable de soulever les masses au nom d’un des plus anciens mythes : « eux contre nous ». Le problème est que vous pourriez faire partie du « eux ».

De la même manière que l’histoire, les médias ne rapportent qu’une toute petite partie de l’actualité et à travers le prisme déformant des mythes du moment. Par exemple, les médias ne parlent jamais des deals gagnant-gagnant mais uniquement des deals gagnant-perdant, tout particulièrement les actes de violence. Les médias qu’on pourrait appeler vraies-fausses nouvelles servent ce que le public veut entendre, ce qui va lui permettre de se sentir intelligent et respectable. La vérité est juste une potion trop amère pour être achetée.

Le lecteur ne sera pas surpris d’apprendre que les médias de masse sont apparus en même temps que l’état-nation. Une des principales fonctions des médias est de créer un narratif du « Nous » comme dans « Nous devons faire ceci », « Nous avons besoin de cela ». Au cours des derniers siècles, la presse a toujours été de la partie pour soutenir les guerres au nom de mythes et de contrevérités.

Pour exister, un mythe a besoin de ses croyants. Lorsqu’il n’y en a plus, le mythe disparaît, tout simplement. C’est pourquoi on encourage le public à ne surtout pas utiliser la pensée critique mais au contraire à être solidaire des politiques publiques, peu importe leur absurdité. Et la plupart du temps, ça fonctionne et gare aux mécréants !

Comment discerner les vrais mythes, ceux qui sont créés inconsciemment et qui viennent justifier a posteriori une innovation sociale positive pour le groupe, des faux mythes, ceux qui sont créés consciemment pour servir certains intérêts ? Nous proposons quatre tests :

  1. Temps : si le mythe est ancien, il a plus de chance d’être un mythe utile.
  2. Simplicité : si le mythe est simple comme « Tu ne tueras point », il a plus de chance d’être un mythe utile que « Le clash des civilisations » ou le « Changement climatique » qui reposent sur des hypothèses et toutes sortes de suppositions.
  3. Universalité : si le mythe est pertinent pour tous en tout temps comme celui-ci « un tien vaut mieux que deux tu l’auras », il vaut mieux y prêter attention. En revanche, « les déficits ne comptent pas » nous paraît hautement suspect puisqu’ils ne s’appliquent pas aux individus.
  4. Violence : le meilleur test est de déterminer si le mythe s’appuie sur des deals gagnant-gagnant ou des deals gagnant-perdant. En particulier, si le mythe a besoin de la force de l’Etat, c’est sans doute un faux mythe !

7. Gagnant-perdant en matière d’argent

Si vous voulez réussir financièrement, voici la recette gagnant-gagnant :

  1. Travaillez dur
  2. Apprenez autant que vous le pouvez
  3. Épargnez
  4. Investissez sagement dans ce que vous connaissez

Il y a bien sûr bien des façons de faire fortune par des deals gagnant-perdant, au premier chef lorsque le gouvernement crée de la monnaie sans valeur. Or, quand l’argent perd sa valeur, rien ne va plus. Les expériences de l’Allemagne de Weimar, du Zimbabwe et du Venezuela sont là pour nous le rappeler.

Lorsque l’hyperinflation touche un pays, son économie, son gouvernement, sa moralité, tout cela va à vau-l’eau. Vous ne savez plus en qui faire confiance ni ce qui se passe réellement.

Aux États-Unis, il y a peu de chance que l’économie connaisse un tel sort. Néanmoins, le dollar après 1971 n’est plus le même animal qu’avant 1971 avant la fin de la convertibilité en or. La FED a créé une quantité impressionnante de fausse monnaie créée par la FED depuis plusieurs décennies, apparemment sans trop de dommages. Mais il y a une limite à tout. Traditionnellement, un créancier est à l’aise lorsque son débiteur doit un montant égal à 1,5 fois son revenu annuel, mais pas beaucoup plus que ça. Actuellement, les États-Unis doivent 3,4 années de revenus (dettes publiques et dettes des entreprises) pour chaque année de revenus.

Au niveau mondial, le travailleur médian gagne 10 000$ par an, c’est-à-dire à peu près 5$ de l’heure. La dette totale mondiale est d’environ 250 billions de dollars pour 70 billions de PIB annuel. A 3% d’intérêt, pour fixer les idées, cela représente 7,5 billions par an en intérêt ou encore 300 heures de travail par actif, soit environ 2 mois de travail. A 5% d’intérêt, la situation devient inextricable.

La politique monétaire de la FED depuis 1971 a profité aux riches au travers de l’inflation sur le prix des actifs et pénalisé les classes moyenne et populaire. Il est plus que probable que la grande majorité des bénéficiaires n’ont même pas conscience du phénomène et attribue leur succès à leur talent et à leur travail.

L’argent est l’une des fondations de la vie civilisée. Il permet de savoir où nous en sommes dans une société hiérarchisée ; l’argent est l’un des liens qui relient les membres de la société ; il transmet l’information sur ce qui a du succès ou pas. Malheureusement, de nos jours, l’argent est corrompu par les politiques monétaires qui découragent l’épargne, créent des bulles spéculatives et financent des projets à la noix. Le risque est donc grand d’une régression de la civilisation.

Dans une économie honnête, il y a seulement deux moyens d’obtenir de l’argent, soit vous utilisez votre revenu passé ou présent, soit vous empruntez de quelqu’un qui a épargné son revenu. Mais le système monétaire post-1971 n’avait pas de telles contraintes. La FED pouvait créer autant de crédit qu’elle le souhaitait et le proposer au taux qu’elle jugeait approprié.

Pour ramener la dette américaine public et corporative (70 billions de dollars) à des niveaux raisonnables, il faudrait en éliminer 38 billions. Cela aura de plus des conséquences sur la valorisation des actifs supportés par la dette et tout particulièrement les actions. Les entreprises ont bénéficié de revenus gonflés par le crédit depuis 1980, mais cela pourrait bien s’arrêter avec des conséquences désastreuses pour elles, leurs actionnaires et leurs employés.

Voici un autre signe qui ne trompe pas. En 5000 ans d’histoire du crédit, jamais personne n’a payé pour le privilège de prêter de l’argent, du moins jusqu’à aujourd’hui. Le crédit facile de la FED a créé d’autres distorsions dans l’économie. Le travailleur qui bénéficie des programmes sociaux payés à crédit ne travaille plus… L’investisseur qui est sûr d’être secouru par la FED n’est plus intéressé pour investir à long terme dans de vraies usines… Le capitaliste qui effectue des rachats d’actions financé à taux zéro n’a plus besoin de générer un vrai profit… L’élite qui peut acheter les voix par l’argent facile n’a plus à fournir des services à la population…

8. Le gouvernement, le maître du gagnant-perdant

De nombreuses personnalités de l’establishment défendent le concept de « bien commun ». Le problème est qu’ils prétendent savoir ce qui est bon pour la communauté. Ils croient même que leur idée est meilleure que le résultat d’un marché libre. Curieusement, jamais on ne nous donne la preuve du « bien » produit par les projets gouvernementaux.

Pour faire simple, l’élite finance ce qu’elle veut financer… avec l’argent que vous aviez prévu pour autre chose.

Parfois le gouvernement fait œuvre utile, mais c’est seulement lorsqu’il imite ou étend ce que la société civile fait d’elle-même : fin de l’esclavage, services sociaux, construction de routes. Pourtant, le secteur public se distingue nettement du secteur privé par ce simple fait : la menace implicite de la force.

Le gouvernement sera toujours contrôlé par les ambitieux et les rusés qui utiliseront sa force pour leur propre avantage. Et la plupart des gens marchera au pas, peu importe la prédation et la cruauté du gouvernement. Que de crimes ont été commis de cette manière par le pouvoir central au nom du « bien commun ».

Le programme fédéral américain de « Guerre contre la pauvreté » du président Johnson a été une catastrophe pour les communautés afro-américaine. Jusque dans les années 1950, le taux de mariage chez les femmes noires était supérieur à celui des femmes blanches. Les programmes d’aide sociaux ont déstructuré les familles noires : plus besoin de travailler, ni besoin de dépendre d’un mari. Aujourd’hui, trois quarts des enfants noirs aux États-Unis naissent hors mariage.

Dans leur prise de décision, les gouvernements sont confrontés à plusieurs problèmes. Premièrement, l’information utilise pour prendre une bonne décision est dispersée et coûteuse à collecter. En conséquence, les gouvernements s’appuient sur l’information publique qui nous l’avons vu est construite à partir de mythes et demi-vérités. Deuxièmement, lorsque la taille du groupe augmente, il devient de plus en plus difficile de tirer avantage d’un deal gagnant-perdant. Il n’y a juste pas assez de victimes à dépouiller. Troisièmement, plus l’élite est déconnectée de la population, plus la tentation de la corruption devient irrésistible. Elle voudra favoriser ses propres intérêts tout en prétendant secourir l’homme de la rue.

9. L’Etat profond ou « D e e p S t a t e »

Le professeur Lindsey O’Rourke estime que les services secrets américains ont joué un rôle dans au moins 72 changements de régime entre 1947 et 1989. S’ils l’ont fait à l’extérieur, est-ce que cela n’aurait pas pu leur donner des idées pour leur propre pays ? Eisenhower avait alerté en 1961 sur les dangers du complexe militaro-industriel qui regroupe l’appareil sécuritaire et les industriels de l’armement. De nos jours, lorsque nous parlons de l’État profond, la plupart des gens pensent à la collusion entre Washington, les ONG et les lobbyistes des grands groupes.

En réalité, la meilleure définition de l’État profond a été donnée par Mike Lofgren. Selon lui, l’État profond est le dénominateur commun entre la Guerre contre le terrorisme, une politique étrangère militarisée, la financiarisation et la désindustrialisation de l’économie, et une structure sociale qui a généré les plus grandes inégalités depuis près d’un siècle.

Il y a une compétition intense à l’intérieur de l’État profond pour déterminer la destination de l’argent qu’il vous prend : programmes sociaux (Démocrate) ou guerre (Républicains) ? Dans le cas de la guerre par exemple, le but n’est pas tant de la gagner que de réalisation un transfert de richesse de l’économie vers le complexe militaro-industriel.

L’État profond contrôle la police, le Pentagone, la santé publique, l’éducation, les services sociaux, ainsi que de nombreuses autres institutions. L’État profond coopère avec les alliés internationaux pour veiller au bien-être des élites. Ses membres parlent l’anglais des affaires et travaillent ensemble à l’amélioration du sort de l’humanité.

Il est impossible de comprendre les politiques du gouvernement américain et des banques centrales à travers le monde sans comprendre les motivations réelles de l’État profond. Par exemple, Israël, qui est pourtant un gouvernement étranger, y occupe une place prépondérante dans sa hiérarchie. Les milliardaires Haim Saban, Paul Singer, et Sheldon Adelson sont parmi les plus gros donateurs à Trump et Netanyahu. Les lobbyistes de l’A I P A C et d’autres organisations ont une influence disproportionnée sur la politique étrangère américaine. Des compagnies étrangères proéminentes, des organisations mondiales et des banques étrangères font également partie de l’État profond.

Des études ont démontré que les groupes d’intérêts et les lobbyistes ont une influence supérieure à celle des électeurs sur les politiques publiques. Autrement dit, la démocratie américaine fonctionne plutôt comme une oligarchie. Le lobbying est une entreprise rentable par ailleurs puisqu’on estime qu’un dollar dépensé en relations publiques rapporte 760$. Au vu du rendement, nombreux sont les groupes qui cherchent à se frayer un chemin pour faire partie du club.

Tout ceci corrompt les institutions et transfert l’argent de ceux qui l’ont gagné vers ceux qui contrôlent le gouvernement. Ceux qui sont exploités s’en rendent finalement compte, perdent confiance et cessent de participer. Comme la base de la pyramide se rétrécit, l’élite est obligée d’utiliser la manière forte pour extraire la même rente.

Les régulations sont un autre exemple. Elles sont utilisées par les entreprises qui ont pignon sur rue pour créer des barrières à l’entrée pour les concurrents. Mais elles sont aussi utilisées par les bureaucrates pour étendre leur emprise sur le public au-delà des lois existantes.

Historiquement, c’est la capacité du public à bloquer les fonds qui lui permet d’exercer un contrôle sur le gouvernement local. Mais depuis 1971, il n’est plus nécessaire d’obtenir des fonds, il suffit juste d’emprunter.

Bill Binney qui a travaillé 32 ans pour la NSA explique l’utilisation des courriels collectés par le gouvernement : « Si le gouvernement décide qu’il n’aime pas quelqu’un, il analyse toute l’information collectée sur la cible et ses associés sur les dix dernières années afin de monter un dossier contre elle. » Ce type d’information est ensuite partagée avec d’autres agences afin de poursuivre la personne pour des infractions liées aux impôts ou aux drogues…

Les élections permettent à l’État profond de s’assurer qu’ils ne sont pas allés trop loin. De plus, cela donne un vernis de respectabilité au gouvernement et de maintenir une façade. Derrière cette façade, les membres de l’État profond ont les coudées franches pour réaliser leurs projets.

Sans croissance de la population, ni de l’économie, les systèmes de retraites en Europe et au Japon sont condamnés. Le citoyen moyen commence à s’en douter et c’est ce qui explique la montée du populisme.

10. Ensauvagement de l’Amérique

L’arrivée de Trump au pouvoir est emblématique de l’ensauvagement de l’Amérique. Il n’y a rien de surprenant à ce qu’une démocratie dégénère ainsi. Après tout, la tyrannie, l’incompétence, la vulgarité, le non-sens sont ce que veut le plus grand nombre.

Après le 11 septembre, le public semblait satisfait de déshabiller et de fouiller les grands-mères à l’aéroport. On n’est jamais trop prudent! L’américain moyen aime se faire dire ce qu’il a à faire même s’il sait que ses dirigeants sont des crétins malhonnêtes.

Le transfert massif de richesse des pauvres vers les riches depuis 1971 n’est pas bien compris par les masses mais elles savent que quelque chose ne tourne pas rond. Pour cette raison, elles sont plus sensibles au slogan « Nous contre eux ». Mais n’importe qui d’intelligent et de cultivé ne voudrait jamais faire partie de ce « Nous ».

Les immigrants récents réussissent mieux que les natifs. Parmi eux, les Japonais et les Indiens sont ceux qui aujourd’hui ont les meilleurs résultats. Les Juifs sont ceux qui ont le mieux réussi dans toute l’histoire américaine. Aucun de ces groupes n’est Européen.

L’Américain moyen a peur de gens qui travaillent plus dur que lui, ont de meilleures habitudes et une meilleure conduite. Il n’est pas étonnant qu’il devienne intolérant.

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