⭐⭐Livre « How the Weak Win Wars » par Ivan Arreguin-Toft

Introduction

Le livre How the Weak Win Wars est un livre dont la thèse principale est que lors d’une guerre asymétrique, le faible l’emporte tant que le fort mène une guerre conventionnelle et se refuse à cibler les civils.

L’ouvrage est répétitif et la thèse proposée n’est pas suffisamment supportée par les données. Nous lui préférons la thèse de Walter Laqueur selon laquelle les guérillas qui ont réussi sont celles qui disposaient d’un sanctuaire et étaient soutenues par une des grandes puissances.

L’intérêt principal du livre réside dans l’étude et la comparaison des principales guerres asymétriques de l’époque moderne.

Points clés à retenir

Mise en contexte

Depuis 1816, les conflits asymétriques entre un acteur beaucoup plus fort que son adversaire a tourné à l’avantage du plus fort seulement dans deux cas sur trois. Ce résultat est surprenant car il ne reflète pas la force relative des belligérants et semble donner un avantage particulier au plus faible.

En fait, entre 1950 et 1999, le ratio s’est dégradé. Le plus fort l’a emporté autant de fois qu’il a perdu.

Certains avancent que les pays autoritaires sont plus efficients dans la guerre que les pays démocratiques du fait de leur contrôle de l’information et de leur capacité de coercition et du peu de cas qu’ils font de la vie humaine. Toutefois, au total, il semblerait que les pays autoritaires soient fortement pénalisés par leur économie planifiée et centralisée.

Une autre hypothèse est que le faible, qui se bat pour survivre, a beaucoup plus à perdre que le fort. Il est donc incité à se battre jusqu’au bout. D’un autre côté, on pourrait objecter qu’une superpuissance risque de voir son statut menacé si elle bat en retraite face à un adversaire faible.

L’interaction stratégique entre belligérants offre une meilleure explication. Pour simplifier, deux grands types de stratégies existent : la stratégie directe et la stratégie indirecte. Les cas où le faible l’emporte semble correspondre aux situations où le fort utilise la stratégie directe et le faible la stratégie indirecte.

Le conflit asymétrique expliqué

Les régimes autoritaires ont un double avantage sur les démocraties. Tout d’abord, ils ont un bien meilleur contrôle de l’information qui parvient à leurs sujets. Ils peuvent ainsi justifier leurs guerres. D’autre part, lorsque les sujets ont connaissance des exactions commises par leur régime, cela peut apparaître comme une juste rétribution pour actions de l’ennemi.

En général, toutefois, les pays autoritaires gagnent moins souvent leurs guerres que les pays démocratiques. En effet, ils sont souvent dotés d’une économie planifiée et centralisée qui les handicapent. Il y a toutefois une exception. Lorsque les guerres sont particulièrement longues, les régimes autoritaires ont l’avantage.

Lorsqu’un acteur fort, à la suite d’une longue guerre, n’a que peu à gagner d’une victoire et que l’adversaire ne constitue pas une menace immédiate, il est incité à abandonner le combat. La population et/ou la classe dirigeante ne souhaite plus payer le prix économique et en pertes humaines pour poursuivre la guerre.

Les belligérants peuvent adopter toutes sortes de stratégies ou combinaisons de stratégies pour atteindre leurs objectifs politiques et militaires. Si l’un des acteurs est capable de prédire la stratégie de son ennemi, il dispose d’un avantage colossal. Il pourra trouver la meilleure stratégie à adopter.

La stratégie directe consiste à détruire les forces militaires de l’ennemi. La stratégie indirecte consiste à détruire la volonté de combattre de l’ennemi. Des exemples de stratégies indirectes : les exactions contre les civils, la guérilla, le terrorisme et la désobéissance civile.

Le fait d’utiliser une stratégie indirecte en réponse à une stratégie directe a pour résultat de frustrer les attentes de l’adversaire. Pour cette raison, la lutte s’éternise. Or, plus le temps passe et plus le faible augmente ses chances de l’emporter.

Dans 77% des 202 conflits asymétriques entre 1816 et 2003, les deux belligérants conservent la même stratégie du début à la fin du conflit. Ce chiffre suggère qu’il y a inertie liée à des groupes d’intérêt, à des technologies, à des doctrines ou des formations. D’autre part, des pays comme les Etats-Unis sont plus préoccupés d’un éventuel face à face avec la Russie qu’avec des guérilleros dans une jungle.

En face d’un adversaire qui recourt à la guérilla, un attaquant beaucoup plus fort aura toutes les chances de l’emporter s’il recourt à une stratégie indirecte de meurtres, torture et viols contre l’adversaire le plus faible pour le soumettre.

Dans environ ¾ des cas où le fort et le faible emploient la même approche (directe-directe ou indirecte-indirecte), soit 151 conflits, le fort l’emporte. Dans les 2/3 des cas où le fort et le faible emploient une approche opposée (directe-indirecte ou indirecte-direct), soit 22 conflits, le faible l’emporte.

Russie contre le Caucase, 1830-1859

Les montagnes du Daguestan prolongées par les monts et les forêts denses de Tchétchénie représentaient une position défensive formidable. Lorsque les Russes concentraient leurs troupes, ils devenaient des cibles faciles pour les Tchétchènes. Lorsque les Russes se dispersaient, ils devenaient plus mobiles et moins vulnérables, mais ils perdaient aussi l’avantage de l’artillerie et de leur approvisionnement.

Les Russes se sont finalement adaptés en construisant des forts et en abattant les forêts, ce qui n’est pas sans rappeler la stratégie des Américains au Vietnam avec l’utilisation de défoliants. Du point de vue Tchéchène, la résistance a été victorieuse tant que les différentes ethnies ont pu présenter un front uni contre l’adversaire.

La Russie impériale était le stéréotype d’un pays autoritaire. L’intérêt de la classe dirigeante dans la conquête du Caucase était simple : la gloire, l’annexation de nouveaux territoires, la conversion et la pacification.

A la suite des atrocités commises par les Russes particulièrement à l’endroit des populations musulmanes, les tribus du Daguestan et de Tchétchénie s’unifièrent sous l’égide de Khazi Muhammed en 1930 et adoptèrent le Muridisme une forme de fanatisme islamique. Après la mort sur le champ de bataille de Khazi Muhammed, puis celle de son successeur, Shamil devint le 3ème imam et exerça une autorité absolue les 25 années suivantes. Jusque-là les Muridites obtenaient d’éclatantes victoires tactiques mais sans coordinations stratégiques. L’intérêt des Muridites a également évolué de la rapine et la gloire à celui de l’expulsion des infidèles et l’établissement d’une théocratie de la mer Noire à la mer Caspienne.

Une des clés dans la montée en puissance du mouvement de Shamil a été la série de victoires contre les Russes. Cela a suscité des vocations dans les tribus soucieuses de voler au secours de la victoire.

Après de nombreuses erreurs, les Russes ont finalement trouvé la bonne méthode : déforestation massive, larges routes, installation de l’artillerie à portée des forts ennemis, blocage de l’approvisionnement des combattants par la population… et une politique de clémence. Mais tout cela n’aurait sans doute pas pu avoir d’effet sans une longue période de lutte.

Une des leçons de cette guerre est qu’une guérilla n’est efficace que si elle s’appuie sur une forte organisation sociale qui rend inopérant les bakchichs et la coercition.

Grande-Bretagne et Guerre des Boers 1899-1902

La Grande-Bretagne avait installé un avant-poste colonial en Afrique du Sud et souhaitait annexer les deux Républiques des Boers fondées par les Afrikaners. L’option de la guerre, même soutenue par la propagande des journaux, était difficilement justifiable auprès de l’opinion britannique. Chamberlain, alors Secrétaire Colonial, a justifié l’emploi de la force pour ne pas donner l’impression de faiblesse aux ennemis de la Grande-Bretagne et aussi car il prétendait que Kruger, le président de la République de Transvaal, lui céderait sans combattre.

De leur côté, les Boers voulaient l’indépendance.

La guerre a mobilisé environ 200 000 troupes britanniques contre 45 000 Boers sur une population totale d’environ 250 000 Afrikaners. Initialement, seules 15 000 soldats britanniques étaient présents sur le sol sud-africain. Les Boers ont raté l’occasion de prendre un avantage décisif avant l’arrivée des renforts.

Les commandos mobiles Boers se sont très vites illustrés face aux Britanniques. Les Boers avaient des armes à feu supérieures, des tactiques « hit-and-run », mais peu d’artillerie. Les Britanniques, quant à eux, répétaient leurs tactiques des guerres coloniales sans succès contre un ennemi européens. Leur principale erreur aura été de sous-estimer la valeur militaire des Boers.

Après une série de défaites humiliantes, la Grande Bretagne envoya de nombreux renforts et remplaça le commandement britannique en Afrique du Sud en juin 1900. Roberts repris les grandes villes très rapidement.

Christiaan De Vet, le meilleur général Boer, fit adopter par le conseil de guerre Boer le passage à la stratégie de guérilla, 4 jours seulement après la prise de la première ville par les Britanniques. La stratégie avait 3 volets.

Tout d’abord, il fallait une force Boer entièrement dédiée au combat. De Vet avait donné congé à ses hommes sachant pertinemment que peu reviendraient, mais ceux qui reviendraient seraient fiables.

Deuxièmement, cette force ne devait plus dépendre de la caravane traditionnelle Boer tirée par des bœufs.

Troisièmement, De Vet insista pour que les Boers n’attaquent plus des forces britanniques concentrées mais uniquement leurs lignes de communication qui étaient très vulnérables.

Enfin, plus que tout autre chose, il fallait des victoires, aussi insignifiantes soient-elles, pour soutenir le moral de la population.

La stratégie de la guérilla, comme devaient le savoir les commandants Boers, exposait les civils aux représailles britanniques. C’est ce qui s’est produit. Roberts fit brûler des fermes et déporta les femmes et les enfants dans des camps de concentration.

L’incompétence de l’armée britannique pour ce qui concerne la logistique ne tarda pas à causer des morts dans leurs rangs, en particulier à la suite d’épidémies de typhus. Les femmes et les enfants commencèrent également à mourir en grand nombre dans les conditions insalubres des camps.

L’opinion publique britannique découvrit la situation et les conditions s’améliorèrent. Sur le front, les Britanniques armèrent les Africains contre les Boers. Ils retournèrent les femmes et les enfants aux Boers au pire moment : pas de nourriture pour eux, attaques continues des indigènes, pas de moyens pour continuer la guerre, la menace de la confiscation des terres, l’impossibilité de conserver les prisonniers britanniques (ils étaient libérés faute de pouvoir les garder).

Le conseil de guerre entérina la cessation des hostilités et l’acceptation des conditions de la Grande-Bretagne.

L’Italie en Éthiopie : 1935-1940

L’Italie a fabriqué un prétexte pour s’en prendre à l’Éthiopie en 1934. En réalité, les intérêts de l’Italie étaient les suivants : effacer l’humiliation d’une défaite cuisante à Adowa contre les Éthiopiens quelques décennies auparavant, s’affirmer comme une puissance coloniale et exploiter les ressources naturelles de ce pays.

L’Éthiopie, quant à elle, était dirigée par l’empereur Hailé Sélassié, mais seulement jusqu’à un certain point. Il s’agissait d’un régime féodal où chaque région était sous la direction d’une famille noble. La principale motivation des Éthiopiens dans le conflit était l’honneur : familial, tribal, voire national.

L’avancée italienne est rentrée sans opposition au cœur du territoire éthiopien jusqu’à Adowa. Le général italien se montrait extrêmement prudent alors qu’il disposait d’une écrasante supériorité en nombre de soldats et en qualité de l’équipement, sans parler de la domination des airs et de leurs communications radio.

Sélassié a très vite réalisé qu’une guerre de guérilla était la seule chance de l’Éthiopie. Cependant, pour des raisons culturelles, les Éthiopiens avaient des scrupules à attaquer par derrière leur ennemi.

Lors de la première bataille à Tembien, les Italiens ont mal coordonné leurs attaques, mais surtout les armées éthiopiennes se sont battues avec une détermination inouïe sous les bombes, attaquant les chars à mains nues pour ainsi dire. Les Éthiopiens ont de plus très vite appris à se disperser à l’approche des avions pour limiter les pertes dues aux bombardements. Pour éviter la déroute, les Italiens décidèrent d’employer le gaz moutarde.

L’effet sur les armées éthiopiennes fut décisif. Sélassié utilisa sa garde impériale pour monter une attaque contre les Italiens. Au courant de ses plans grâce à une interception radio, les Italiens eurent tout de même beaucoup de difficulté à repousser son attaque. Finalement, Sélassié dut battre en retraite. L’empereur quitta Addis Abeba pour Djibouti.

Après à peine deux mois de paix relative, des chefs tribaux lancèrent une attaque contre la capitale sans succès. Le commandement italien captura par la suite les instigateurs et les fit exécuter.

Le commandant militaire italien fut pris pour cible dans un attentat à la grenade où il fut grièvement blessé. Incapable de retrouver les auteurs, il donna libre cours à sa colère en tuant, violant et brûlant les habitants de la capitale. En outre, il extermina l’élite éthiopienne. En 1937, ce fut le tour de 297 moines du monastère Debra Libanos. Cela n’eut pas tout à fait l’effet escompté.

Le changement de commandement à l’initiative de Mussolini ne changea rien à la révolte. Les Éthiopiens n’étaient plus intéressés à discuter avec les Italiens. Plusieurs campagnes militaires furent montées pour mater la rébellion, mais aussitôt qu’une région semblait pacifiée qu’une autre s’embrasait. Les Italiens ne contrôlaient réellement que les garnisons dans lesquelles ils étaient enfermés.

Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale a changé la donne. Les Britanniques, après une série de revers contre les Italiens en Éthiopie, ont pris l’avantage et ont réinstallé Sélassié au pouvoir en 1941.

Guerre du Vietnam : 1969-1973

Après la victoire de Diên Biên Phu contre les Français, le Vietnam a été scindé en deux en 1955. Après plusieurs années d’agitation politique dans le Sud orchestrée par le Parti communiste, Hô Chi Minh démarra les préparatifs pour la guerre en 1959 avec l’objectif de chasser tout étranger du pays, y compris ceux qui répondaient à des intérêts étrangers.

4000 soldats furent affectés à la construction d’une ligne de communication à travers le Vietnam, le Laos et le Cambodge, appelée chemin Hô Chi Minh. Les Nord-Vietnamiens envoyèrent clandestinement des armes au Sud par la mer. En 1960, ils créèrent le Front de libération nationale pour coordonner la guerre contre le sud Vietnam. En 1961, les unités de guérilla nord-vietnamienne ou Viet Kong assassinèrent des milliers de chefs de village ou de province. Ceux-ci furent remplacés par des militaires sud-vietnamiens sans attaches dans leurs communautés.

Le leader sud-vietnamien, Ngo Dinh Diem, était avant tout intéressé à consolider son pouvoir, d’abord sur le sud Vietnam puis  sur le Nord. Pour cette raison, il s’entoura d’un carré de fidèles, pas toujours les plus compétents. Son armée s’avéra tout juste capable de réprimer la population et d’éliminer les menaces de rivaux au Sud. Diem a été assassiné en 1963 et son successeur Nguyen Khanh était davantage préoccupé par sa survie que par la reconstruction économique et militaire du Sud, et ce malgré le support très actif des États-Unis.

Les États-Unis ne semblaient pas intéressés à détruire la République démocratique du Vietnam, mais seulement à empêcher l’effondrement du sud Vietnam et le risque d’une contagion communiste en Asie du Sud-Est puis ailleurs dans le monde.

La première phase de la guerre appelée « Rolling Thunder » de 1965 à 1968 à consister à bombarder massivement le nord Vietnam pour qu’il cesse de soutenir la guérilla au sud Vietnam. Les cibles avaient une valeur militaire quasi nulle et ont causé beaucoup de dommages collatéraux sans faire fléchir le gouvernement nord-vietnamien.

Dans leurs rencontres contre l’armée régulière nord-vietnamienne et les grandes unités Viet Kong, l’armée américaine a presque systématiquement prouvé sa supériorité dans sa capacité à manœuvrer, sa puissance de feu et la qualité de son équipement. Toutefois, les Nord-Vietnamiens se sont adaptés et ont réduit le nombre d’engagements de cette nature. Ils ont aussi apporté des changements tactiques. Lors des engagements, l’armée nord-vietnamienne venait immédiatement au contact de l’ennemi l’empêchant ainsi d’utiliser son artillerie et son aviation. D’un point de vue stratégique, le nord Vietnam intensifia son soutien à la guérilla au sud Vietnam.

Dans le Sud Vietnam, l’usage indiscriminé de l’artillerie et des bombardements aériens ont progressivement entamé le soutien des populations locales.

Les Américains démontrèrent également une grande capacité d’adaptation. Ils s’inspirèrent de la méthode « agroville » des Français. Un village au complet a été relocalisé dans un hameau fortifié, ce qui privait les Viet Kong de renseignements et de leur approvisionnement. Cependant, l’effet fut désastreux lorsque ces scènes furent montrées dans les médias. Surtout, l’implémentation par l’armée sud-vietnamienne était lamentable du fait de sa corruption et de son incompétence. Par exemple, les hameaux n’étaient pas fortifiés. Cela a jeté de nombreux villageois dans les bras des Viet Kong.

Les Américains exécutèrent aussi une autre stratégie beaucoup plus payante : le projet Phoenix. La stratégie a consisté à éliminer physiquement les cadres Viet Kong dans le sud Vietnam. Certains considèrent que c’est ce qui a conduit le nord Vietnam à lancer les offensives coûteuses du Tet en 1968. En 1969, techniquement, le nord Vietnam était défait militairement. Mais Hô Chi Minh a réussi à prolonger suffisamment sa défaite finale que les États-Unis ont finalement abandonné la lutte en 1973.

Afghanistan et URSS : 1979-1989

L’URSS avait trois motivations principales pour son invasion de l’Afghanistan en 1979 : soutenir un régime marxiste ami et voisin, la possibilité d’avoir une tête de pont vers le golfe arabo-persique, et réduire le risque que les investissements passés l’aient été en pure perte. Initialement, l’intervention était d’une ampleur limitée : soutenir le régime et se concentrer sur les grandes villes.

L’État afghan a cessé d’exister en 1978 avec la fin du régime de Daoud. D’un côté, les différentes factions marxistes étaient occupées à piller les ressources et éliminer leurs adversaires, sans aucun relais pour administrer ou appliquer leurs « réformes » radicales et hors sol. De l’autre, une douzaine de mouvements de résistance, sunnites, chiites, pashtounes, azéris, ouzbeks, etc. ont adopté la même structure : une direction politique installée au Pakistan et un commandement militaire en Afghanistan. L’invasion russe a cimenté la résistance avec pour objectif unique de chasser l’occupant et ses sbires.

Entre 1980 et 1982, l’URSS a déployé une stratégie conventionnelle contre la guérilla des Moudjahidines. La première phase a consisté à prendre Kaboul, éliminer le dirigeant afghan, Amin et le remplacer par un pantin, Karmal. Un message radio prétendant venir de Radio Kaboul a commencé par annoncer le changement de gouvernement et sa demande d’assistance à l’URSS. Les troupes russes n’ont rencontré aucune résistance jusqu’à Kaboul où elles ont eu à faire face à la garde personnelle d’Amine.

En préparation de leur intervention, les Russes ont empoisonné Amin, saboté les blindés de la Garde, changé les balles pour des balles à blanc. Malgré tout cela, les armées russes rencontrèrent une résistance farouche. De peur de voir d’autres unités afghanes se joindre à la Garde, les Russes employèrent des gaz neurotoxiques. Pas un seul soldat des 1800 soldats de la Garde ne survécut.

La géographie de l’Afghanistan est faite de vallées flanquées de hautes montagnes qui sont autant d’ouvertures sur d’autres vallées. Pour cette raison, certains points qui se trouvaient à l’intersection de vallées et de routes le long des rivières constituaient des lieux stratégiques. Malheureusement pour les Russes, ils n’ont jamais réussi à mettre suffisamment d’hommes pour en assurer la défense.

Les forces russes étaient par ailleurs constituées de jeunes conscrits inexpérimentés. Leurs équipements étaient vétustes et médiocres et inadaptés au terrain montagneux. Une embuscade typique consistait à immobiliser une colonne de blindés russes en détruisant le véhicule de tête. Par la suite, les soldats paniqués tiraient à l’aveugle jusqu’à épuisement de leurs munitions. L’issue était en général fatale.

Les Russes s’adaptèrent en réduisant l’usage des chars et en augmentant celui des hélicoptères. Plusieurs offensives furent menées avec des succès mitigés dans la vallée du Panshir contre Massoud.

En 1982, la stratégie des Russes évolua à nouveau. Les Russes détruisirent les systèmes d’irrigations, les vergers et les champs de culture. Les non-combattants étaient visés tout particulièrement après des pertes militaires.

Après un cessez-le-feu en 1983, les Russes ont repris leurs offensives dans la vallée du Panshir, mais avec un équipement beaucoup plus moderne et des tactiques plus efficaces contre les Moudjahidines. Cependant, les forces de Massoud étaient pour l’essentiel intactes et les Russes commirent l’erreur d’installer des garnisons fortifiées. Ces forteresses nécessitaient un approvisionnement continu, ce qui exposait les convois russes aux embuscades.

Les Russes étaient si peu nombreux en Afghanistan que Massoud pouvait ralentir leurs opérations ailleurs dans le pays en attaquant leurs garnisons dans la vallée.

Les Russes, par une stratégie de dépopulation des vallées, étaient parvenus à détruire l’approvisionnement local des Moudjahidines qui dépendaient de plus en plus de l’aide extérieure de l’Arabie Saoudite, du Pakistan et des États-Unis. En 1986, les missiles Stinger permirent un saut qualitatif dans l’armement des Moudjahidines. Ce fut un tournant dans la mesure où les Soviétiques avaient tout misé sur les forces aéroportées et tout particulièrement les hélicoptères.

On estime qu’en 1987, près de 10% de la population afghane a été tuée, soit une proportion supérieure à celle de l’URSS au sortir de la Seconde Guerre mondiale. 6 millions de personnes ont été déplacées, principalement en Iran et au Pakistan.

Une des leçons de la guerre en Afghanistan est qu’il est possible pour une guérilla de survivre à une stratégie de dépopulation à condition (1) de s’approvisionner à l’extérieur du pays (et de disposer d’un sanctuaire) et (2) d’obtenir du renseignement par exemple au travers d’éléments infiltrés dans les forces armées.

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