L’histoire ne se répète pas, elle rime
– Mark Twain
Facteurs de succès et d’échec
Il n’y a pas que les individus dont le succès dépend pour partie de la chance et pour partie du talent. Les nations peuvent aussi réussir ou échouer selon leur bonne fortune et leurs qualités.
Un récent article de Ray Dalio, qui est en fait un extrait de son prochain livre sur le changement dans l’ordre mondial, établit une liste des facteurs qui déterminent la prospérité des sociétés. Ces facteurs ont été obtenus à partir de l’analyse de nombreux événements historiques similaires au cours des cinq derniers siècles.
La vision de Ray Dalio n’est pas sans rappeler l’approche des sciences physiques. Une cause (un facteur) entraîne un effet. A son tour, l’effet précédent devient la cause (un autre facteur) qui produit un nouvel effet. De cette manière, à partir de conditions initiales connues (notre monde) et de la connaissance des lois naturelles, le futur peut donc être connu.
Ray Dalio remarque que la plupart des gens se concentre sur les conditions initiales (le monde d’aujourd’hui) sans prêter suffisamment attention aux forces qui s’exercent pour le modifier, parfois de manière radicale, mais prévisible. Son article se concentre donc sur les facteurs ou déterminants qui font évoluer la situation.
Principaux cycles
D’après Dalio, le destin des nations est principalement influencé par trois cycles :
- Le cycle des bonnes ou mauvaises finances
- Le cycle de l’harmonie (ou son absence) nationale
- Le cycle de l’harmonie (ou son absence) internationale
Lorsque ces trois cycles vont dans le bon sens, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas d’endettement excessif, que l’antagonisme social est limité par exemple par une forte classe moyenne, et que la compétition entre les états est raisonnable, alors la société a toutes les chances d’être prospère.
A ces trois cycles, Dalio ajoute également deux autres cycles importants :
- La technologie
- Les catastrophes naturelles
En effet, le progrès bien qu’il agisse de façon incrémentale est une force puissante dans l’évolution d’une société. L’impact le plus direct sur l’économie est au travers des gains de productivité. A l’inverse, les catastrophes naturelles telles que la sécheresse, les tremblements de terre ou les inondations se manifestent soudainement et peuvent renverser le cours de l’histoire.
Déterminants hérités
Ray Dalio considère également d’autres déterminants qui conditionnent l’évolution positive ou négative des sociétés. Il y en a de deux sortes, ceux qui sont hérités (géographie, géologie, climat, gènes…) et ceux qui ont trait au capital humain (notre façon d’interagir entre nous).
Nous ne nous attarderons pas sur la géographie, la géologie et le climat, mais la génétique mérite un commentaire.
Chose assez rare à notre époque politiquement correcte, Dalio estime que la génétique influe sur les comportements des individus à hauteur de 15%.
Déterminants liés au capital humain
Les déterminants sur le capital humain sont les plus intéressants car nous croyons, à tort ou à raison, avoir une prise sur eux.
La façon de fonctionner en société est manifestement fondamentale dans le destin d’une nation.
Golda Meir est réputée avoir dit qu’elle craindrait les Arabes le jour où ils seraient capables de faire la queue pour monter dans le bus…
Comme le remarque Bill Bonner, une société est d’autant plus civilisée que la proportion de deals gagnant-gagnant est élevée par rapport aux deals gagnant-perdant (violence, vol, fraude, taxes, etc.).
En plus de la façon de se comporter les uns avec les autres, les principaux facteurs humains qui favorisent la prospérité sont d’après Dalio :
- Le fait de produire plus qu’on ne consomme. [Idée révolutionnaire par les temps qui courent.]
- La capacité à identifier ses faiblesses et capitaliser sur ses opportunités (c’est ce qui a permis à de petits pays sans ressources naturelles d’arriver à la prospérité).
- L’intérêt. Où il se situe est ce qui est important : au niveau de l’individu, de la famille, du pays?
- L’ambition. Ce qui compte ici est le prix payé, élevé ou raisonnable, pour arriver à ses fins.
- Des marchés de capitaux.
- La capacité à apprendre de l’histoire. [Remarquez par exemple qu’aujourd’hui, nous sommes à une époque qui, du point de vue monétaire, ressemble aux années 1940 (répression financière) et du point de vue politique ressemble aux années 1930 (populisme, fascisme et communisme).]
- La façon de penser et voir les choses de chaque génération. [Remarquez que chaque génération est marquée par ses expériences dans l’adolescence et en tant que jeune adulte. Par exemple, la génération qui a grandi lors de la Grande Dépression est connue pour être frugale.]
- La préférence pour la gratification à long terme plutôt qu’à court terme.
- L’inventivité. [En effet, il y a plusieurs façons de réussir. En remportant une compétition… mais aussi en devenant un pionnier et en inventant quelque chose de nouveau.]
- La culture. [D’une certaine manière, la culture est à la société, ce que les habitudes sont à l’individu. De bonnes habitudes et de bons principes favorisent le succès à long terme. Voir à ce sujet le livre de Mauboussin.]
- Ouverture au Monde. [Plus un pays est ouvert au monde, et plus il est en mesure d’observer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et d’apprendre des erreurs et des réussites des autres.]
- Leadership. [L’histoire avec sa grande hache est façonnée par quelques individus. Par exemple, l’arrivée au pouvoir de Dang Xiao Ping a eu une influence déterminante sur le développement de la Chine]
- Inégalités limitées. [Trop d’inégalités est dangereux pour une société comme la Révolution Française l’a démontré]
- Consensus sur les valeurs.
- Faible antagonisme social.
- Équilibre dans l’alternance entre la droite (efficacité économique) et la gauche (justice sociale).
- Le niveau d’interdépendances. [Autrement dit, il y a une incitation à respecter ses engagements et maintenir un niveau de confiance élevé, ce qui en retour réduit les frictions sociales et économiques]
- La préférence pour les arrangements gagnant-gagnant plutôt que gagnant-perdant.
- Les jeux de pouvoir dans la nation et sur la scène internationale, dont le but est la domination des autres. [Indice : mieux vaut être dominant que dominé.]
- Géopolitique et force militaire.
Finalement, un complément intéressant à l’article de Ray Dalio est le livre « False Economy » de Walter Beatie.
Cordialement,